La région, nouvelle capitale de l'aliment-santé

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

L'eau a bien coulé dans la Deûle depuis le 12 juillet 2005. Ce jour là, l'Etat français retient parmi une liste nationale de 67 pôles de compétitivité le cluster " Nutrition-Santé-Longévité ", NSL. Un pôle un peu improbable né d'une réponse régionale rapide -c'est la règle- à l'appel à projets de février de la même année dont les contours n'étaient pas parfaitement limpides. Mais qui supposait une taille critique. Quand d'autres régions défendaient un dossier purement agroalimentaire, et d'autres des projets très orientés sur la santé, le Nord-Pas-de-Calais retenait un choix mixte. " En bio-santé, on n'était pas loin de la masse critique. Mais pour appartenir aux deux ou trois plus gros projets français, il fallait maximiser nos chances en allant au-delà de la santé ", rappelle Etienne Vervaecke, directeur général d'Eurasanté et inlassable animateur du pôle NSL.

Ce choix heureux relevant du marketing territorial intuitif s'est transformé en pari gagnant : crises sanitaires aidant - du poulet aux hormones en passant par l'ESB sans oublier le concombre finalement disculpé-, nourri par la flambée des maladies métaboliques, alimenté par le renforcement drastique de la réglementation, le croisement du biomédical et de l'agroalimentaire est devenu hautement stratégique. Et dans cette partition, la région joue un rôle central. Plusieurs grands noms de notre économie régionale n'ont d'ailleurs pas attendu les pôles de compétitivité, tant s'en faut, pour se positionner dans ces créneaux. Roquette, Lesaffre, ou l'arrageoise Ingredia ont développé des expertises et des produits inconnus du grand public même si on peut manger ou boire plusieurs de leurs ingrédients chaque jour !

Roquette est passé champion dans l'art de valoriser les protéines végétales dérivées de l'amidon : sa fibre soluble Nutriose, son maltitol Sweetpearl, sa protéine de pois Nutralys constituent des ingrédients à l'efficacité démontrée. Et le groupe présidé par Marc Roquette, également président du pôle de compétitivité NSL, s'est lancé depuis quelques années dans une nouvelle quête du Graal dans le domaine des microalgues, dont il est devenu le grand spécialiste européen. NSL apporte d'ailleurs un coup d'accélérateur puissant. Porté par Roquette, le programme de production industrielle de microalgues AlgoHub mobilise 28 M€, dont 9,7 M€ de financements, dans un consortium comptant quelques poids lours (Bonduelle, Pierre Fabre, Pasteur Lille, Evialis), mais aussi Genfit, parmi 14 associés.

Protéine anti-stress

La coopérative laitière Prospérité fermière s'est aussi fait un nom de longue date dans le cracking des protéines de lait depuis de nombreuses années, via sa filiale Ingredia, qui produit quelque 90.000 tonnes d'ingrédients par an. En 2007, elle a créé une division spéciale, Ingredia Nutritional, dédiée à la nutrition santé. Parmi ses produits phares figure le Lactium, né de l'observation du bien-être des nourrissons après la têtée : l'effet non pas de la satiété mais d'une hydrolise du lait. Ingredia en a élaboré un réducteur de stress -scientifiquement prouvé -, décliné depuis dans un produit anti-tabac.Son " Starchlite " diminue l'index glycémique des aliments, son " Chromax " joue sur l'insuline et permet de stocker moins de poids. La course est engagée sur tous les fronts : Oxylane Research développe des boissons et aliments de nutrition et de soin du sportif, déployés sous la bannière Aptonia.

Le créneau de la nutrition santé représente 32 entreprises dans la région, représentant un CA de 1,2 md € en 2008.

Elle a même lancé un programme de recherche sur la nutrition et la physiologie pour aboutir au mariage de la performance, la santé et le plaisir. "Les chances de succès sont inférieures à 10% quand on lance un produit sur le marché. Les clients sont frileux, nous les accompagnons donc le plus loin possible, jusqu'à leur fournir un produit fini clé en main ", explique Sandrine Cuisenier, directrice marketing d'Ingredia.
Lesaffre est engagé dans la même course à l'innovation santé. Les équipes R & D du leader mondial de la levure, basé à Macrq-en-Baroeul, planchent sur une gamme santé dérivée de la levure et des produits de fermentation et t sont fortement impliqués dans les programmes NSL.

14,5% d'adultes obèses

L'enjeu est énorme même si sa traduction dans le cœur du marché ne viendra que plus tard. Le consommateur est très en attente. Selon une étude européenne menée par Tate & Lyle, près des trois quarts des personnes interrogées déclarent faire attention à leur régime alimentaire et 58% surveillent leur poids. Les personnes interrogées pensent à 65% que les produits alimentaires contiennent trop de sucre et à 68% que les produits pour enfants sont trop sucrés. La préoccupation rejoint une problématique lourde de santé publique : 8,5% de la population adulte française était en situation d'obésité en 1997. En 2009, ce taux est monté à 14,5%! De quoi affoler les professionnels de santé.

"Les industriels souhaitent réagir à ces préoccupations qui représentent une vraie tendance de fond. Ils y sont incités par les consommateurs de plus en plus avertis mais aussi par les différents programmes gouvernementaux de lutte contre l'obésité ", observe Jérôme Tauzin, responsable de gamme Health & Wellness de Tate & Lyle. Le Britannique, qui a implanté à Lille en 2008 son seul centre européen de R & D sur les ingrédients pour le bien-être et la santé, a mis au point des jus de fruits avec 50% de calories en moins, sans différence de goût, avec la version sucrée. Son jus pommes-coings enrichi de fibres a même décroché un prix aux Beverage Innovation Functional Drinks. Les initiés apprécieront.

La dynamique est aujourd'hui bien engagée au-delà des leaders historiques. La holding des chicorées Leroux, Finaler, a dopé sa R & D via le pôle NSL pour valoriser les principes actifs de la chicorée, en vue d'applications-santé. Elle pilote le programme " Oxychic " - 1,5 M€- qui associe Florimond Desprez et un labo Lille 2-Inra. Des petites sociétés sont également impliquées comme IBD, start-up de la santé intestinale, ou encore Copalis (coproduits de poissons), Bifinnov, Good Goût -produits bébé- ou Original Process.

Reste une vraie difficulté : l'agence européenne de sécurité alimentaire durcit d'année en année sa réglementation et rehausse ses exigences avec des démonstrations scientifiques des allégations. La société lilloise Naturalpha, société de conseil et recherche pré-clinique en nutrition-santé, surfe sur ce resserrement des contraintes. Elle a d'ailleurs lancé l'an dernier un centre d'études cliniques en nutrition au sein de l'hôpital Saint Vincent, qui compte déjà 3000 volontaires, pour tester aussi bien des fibres alimentaires que des probiotiques ou des extraits de plante. Et la formule est efficace malgré des investissements lourds puisqu'un essai clinique en nutrition santé peut coûter entre 70 et 250 K€ et la procédure peut durer un à deux ans avant l'évaluation de l'EFSA, voire trois à cinq ans " si on a un produit peu ou pas décrit, qu'il faut réaliser le dossier et deux études cliniques ", relève Christophe Ripoll, vice-président exécutif R & D et directeur scientifique de Naturalpha.

*

" Dans l'esprit, on rentre dans la culture pharma ", analyse Étienne Vervaecke, qui pressent l'avènement d'un modèle similaire à l'innovation du médicament il y a vingt ans : aux biotechs la R & D, aux majors la validation ultime, le marketing et la production.

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