L'aéroport de Beauvais passé à la loupe avant la fin de concession

Alors que la délégation de service public prendra fin en fin d'année, la chambre régionale des comptes s'est penchée sur la gestion de l'aéroport de Beauvais. Un établissement atypique à bien des égards et très dépendant de sa filiale de transports en bus vers Paris. 

 

C'est fin 2023, après prolongation exceptionnelle pour cause de Covid, que la délégation de service public de l'aéroport de Beauvais sera renouvelée par le Syndicat mixte de l'aéroport de Beauvais-Tillé (SMABT). C'est la SAGEB, détenue à 51% par la CCI de l'Oise et à 49% par Transdev, qui pilote depuis 2008 cet équipement qui a atteint son pic de fréquentation historique l'an dernier (soit 4,61 millions de passagers), après un énorme trou d'air lié à la crise sanitaire. La société emploie 250 salariés. Le rapport rappelle la grave crise de gouvernance qui a secoué l'aéroport, pour se satisfaire aujourd'hui du retour à la normale du fonctionnement de la société d'exploitation.

 Les magistrats financiers notent que l'aéroport, le dixième de France, s'est fait la spécialité d'accueillir des compagnies low-cost dont Ryanair à elle seule assure 80% du trafic. La chute brutale d'activité a donné lieu en 2021 à un protocole d'indemnisation avec le SMABT qui a octroyé à l'aéroport une enveloppe de 4,8M€ pour compenser ses pertes. Autre élément d'appréciation capital pour analyser la situation, le contrat de délégation a fait l'objet de pas moins de 15 avenants sur sa durée, « qui ont bouleversé son équilibre économique ».

Le rapport pointe que le délégataire s'apprête à investir plus de 13 M€ en 2023, pour se conformer à ses obligations : il doit avoir atteint un total de 93,6 M€ d'investissement sur la période. Or la comptabilisation ne distingue pas correctement les biens de reprise et ceux de retour, une faiblesse qui pourrait « être source de conflits entre la société et le syndicat concédant lorsqu’il s’agira de solder les comptes ». Le rapport critique de manière générale « une information insuffisante du concédant sur les investissements contractuels ».

Ticket d'entrée à 24,5 M€

La Chambre des comptes met en avant un enjeu important à l'approche de l'échéance de la concession, à savoir la notion de « ticket de sortie ». Il s'agit d'une indemnisation du concessionnaire pour la valeur non amortie de l'ouvrage, quand la durée du contrat est inférieure à la durée d'amortissement. La SAGEB n'a pas encore réalisé ce chiffrage, « qui constituera pourtant un enjeu majeur de fin de contrat », souligne le rapport, qui indique les trois éléments pour le calculer : le remboursement de la valeur nette comptable des investissements réalisés au titre de 3 avenants, l'avance versée par le SMABT au titre du fonds d'insonorisation et la quote-part de l'avance sur la taxe de sûreté versée par l'Etat en 2020 du fait du Covid.

Le rapport calcule ainsi un montant de « ticket d'entrée » du nouveau délégataire à pas moins de 21,27 M€, voire 24,5 M€ en incluant les coûts de réfection des chaussées aéronautiques. « De nombreux défis attendent la SAGEB, adossés à des risques financiers et juridiques conséquents. Aussi, (la chambre) l’invite à réaliser ces opérations avec la rigueur qui s’impose et avant le terme de la délégation », pointe le rapport.

Les bus, pilier de la rentabilité

Quelle est la situation financière de l'aéroport ? Le rapport relève que ce dernier a dégagé un résultat d'exploitation constamment négatif jusqu'en 2021 mais qu'il a pu dégager un résultat net positif, grâce aux remontées de profits de sa filiale à 100% TPP (Transports-Paris-Beauvais), qui bénéficie d'un monopole de fait pour la desserte de la capitale. Ce sont donc les recettes de la ligne de bus Beauvais-Paris qui assurent la rentabilité de l'aéroport. L'activité est particulièrement profitable, avec un taux de marge de près de 60% avant la crise sanitaire. Les aides ont également joué un rôle essentiel en pleine pandémie, entre PGE et avances de trésorerie.

Au final, « en dépit des pertes enregistrées en 2020 (- 7,6 M€), atténuées par les aides reçues et le recours massif au chômage partiel, le résultat net s’est nettement redressé en 2021 (4,9 M€) », expose le rapport. Mais cette dépendance vis à vis des activités extra-aéroportuaires, « déterminante pour la santé financière de la maison-mère », fait dans le même temps peser « un risque majeur ». Quid, en effet, en cas de disparition de la clause d'exclusivité lors de la signature du futur contrat, interroge la chambre des comptes.