Laurent Martin, nouveau président du comité régional de banque « Les banques n'ont aucun intérêt à ce que les entreprises déposent le bilan »

 

 

Eco121 a rencontré Laurent Martin, nouveau directeur général du Crédit Agricole Nord de France, qui succède à Christian Valette, et qui prend par ailleurs la présidence du Comité régional des banques. Entretien

 

Vous êtes arrivé en poste le premier juin dernier. Quel est votre premier sentiment sur la région ?

Je ne suis pas du Nord, je suis Landais, je suis donc un Chti du grand sud ! J'ai trouvé les gens extrêmement accueillants et gentils, sympathiques, ouverts, ça m'a beaucoup marqué.

Or j'ai une longue expérience puisque j'en suis à quinze déménagements, j'ai connu pas mal de choses. Le second point qui m'a frappé, c'est la puissance de la région. Pour quelqu'un qui compare l'Aquitaine par exemple et le Nord, on n'est pas du tout sur le même registre, ici tout est XXL, mais les gens ne s'en rendent pas vraiment compte.

 

Vous êtes un pur produit du Crédit Agricole ?

Mon premier métier, c'était garagiste ! Mais j'ai eu un accident de moto, j'ai été paralysé pendant deux ans. J'ai demandé un stage au Crédit Agricole à côté de chez moi. Cette banque s'est révélée une entreprise école fantastique. Je suis rentré comme chargé d'affaires entreprise, je n'aurais jamais imaginé d'être 35 ans plus tard le directeur général de la troisième Caisse de France. J'arrive ici pour ma dernière mobilité professionnelle, j'aurai 60 ans en 2023, je ferai mes six ans à la Caisse Nord de France.

 

Vous prenez aussi la présidence du Comité régional des banques à un moment où les inquiétudes sur la conjoncture sont assez fortes. Comment voyez-vous le court terme ?

Nous avons un premier sujet qui est celui du taux d'usure. Or quand on prête à 2,5% et qu'on se refinance à 3,5%, on perd de l'argent. Et quand on réalise 3milliards d'euros de crédits habitat, par an, vous voyez l'impact. En 2022, nous maintenons notre niveau de crédits, mais avec un net recul en fin d'année : depuis septembre, le rythme est divisé par deux. Il est urgent de réagir, pour que les banques retrouvent un équilibre entre le taux de crédit qui peut être consenti aux clients et notre taux de refinancement. Si rien n'est fait, ce sera préjudiciable aux particuliers qui voudraient investir mais aussi au secteur de l'immobilier.

Le deuxième sujet, c'est celui des PGE. L'Etat a extrêmement bien accompagné pendant le Covid, les mesures ont été efficaces. Mais aujourd'hui on a la nouvelle problématique énergétique, il faudra trouver des solutions pour accompagner les entreprises concernées.

Je suis optimiste pour 2023, mais il faudra être capable individuellement, pour ces entreprises là, depuis de grands verriers jusqu'à la boulangerie de quartier, de les accompagner.

Une autre difficulté est l'inflation et son impact sur les petits salaires. Quand vous gagnez 1 500 € et que le panier de la ménagère augmente de 100€, vous êtes autrement plus concernés que quand vous gagnez 5 000 €! On a un rôle comme banquier d'éviter cette fracture sociale. Nous avons pris la décision à la Caisse de ne plus facturer cette clientèle fragile.

 

Votre conseil aux chefs d'entreprises qui rencontreraient de grosses difficultés ?

Ils doivent venir nous voir. Les banques n'ont aucun intérêt à ce que les entreprises déposent le bilan. En venant en amont, on peut essayer de mettre en place des outils en bas de bilan, en haut de bilan, des pauses de crédit, des restructurations de dette ou de taux. On ne peut pas faire ce type d'opérations dans l'urgence absolue.