Le billet de Bruno Bonduelle

Le premier est né à Roubaix et y a commencé sa brillante carrière. Le second ne connait de Roubaix que ses cortèges du désespoir. Outre le “NAULT” de leurs noms respectifs, un destin commun rapproche nos deux milliardaires: tous deux ont bâti leur empire du luxe grâce à un flair incroyable; n’ont-ils pas tous deux anticipé, au tournant des années 90, la naissance en Chine, en Russie et autres émergents d’une classe de nouveaux riches avides de consommer les marques prestigieuses de la vieille Europe ? Nos deux compères n’ont-ils pas parallèlement anticipé la désindustrialisation de cette même Europe en se débarrassant d’usines encombrantes et obsolètes?

Le premier a découvert la pépite Dior dans les scories de Boussac et s’est prestement débarrassé du textile des vallées vosgiennes, laissant sur le carreau des milliers d’ouvrières éplorées.   Le second a revendu le papier de la Chapelle Darblay gangrénée par les durs de la CGT. Encaissant au passage une confortable plus-value, il a pu s’offrir Gucci.

Complices de ces prédateurs, des ministres de différents bords ont contribué à faire leur fortune en faisant du redressement productif avant la lettre. Ne faisaient-ils pas en réalité de la «  destruction créatrice  », sans le savoir?  Vingt cinq ans plus tard en effet, la France peut s’enorgueillir de fabriquer et d’exporter sur les cinq continents le summum du glamour .

Mais allez donc expliquer aux malheureuses licenciées de La Redoute, après celles de Boussac, les théories de Schumpeter !   Monsieur Marcel ne nous aurait jamais abandonnées, pensent-elles encore aujourd’hui.   Pas davantage, ces Messieurs les frères Pollet!

Savent-elles seulement qu’à la veille du Nouvel An chinois, les industriels de Shenzhen hésiteront pour le cadeau à offrir à leur épouse entre Diorissimo et YSL  ! Je lis sous la plume désabusée d’un économiste amateur de bons mots :   « Les riches des pays pauvres font les pauvres des pays riches...  »