Nos parcs d'activités se réinventent

Le parc d'activités La Lainière à Roubaix. Crédit : Sébastien Jarry Le parc d'activités La Lainière à Roubaix. Crédit : Sébastien Jarry

Multiplication des services, requalification, environnement, les parcs d'activités des Hauts-de-France sont en pleine mutation. Avec l'ambition affichée d'accroître leur attractivité et la dynamique économique de leur territoire. Tour d'horizon des chantiers en cours.

Jusqu'à 7000 personnes y ont travaillé. Véritable ville dans la cité avec ses habitations, son stade et ses usines, l'ancienne filature La Lainière (photo), à cheval sur Roubaix et Wattrelos, tourne la dernière page de sa prestigieuse histoire. Il aura fallu deux décennies et 63M€ (dont 50 M€ pour la seule MEL) pour que l’activité redémarre. Une des opérations majeures de l'intercommunalité lilloise. Jusqu'en 2026, les 33 ha du site feront l’objet d’un vaste projet mixte mêlant emplois – un millier à terme - et logements. Le tout dans une démarche vertueuse pour l’environnement. Un exemple emblématique de la politique de développement que les Hauts-de-France souhaitent impulser sur l’ensemble de leurs parcs d’activités économiques. Les premiers ont vu le jour dans les années 70 aux entrées de villes avec l'offre foncière comme sujet central de préoccupation des aménageurs comme des urbanistes. "C'est ce qui a permis ce que l'on appelle les "boîtes à chaussures". C'étaient des opérations rentables pour les entreprises à la recherche de grands locaux, sommaires et bon marché", précise le responsable aménagement et transports de la CCI de région Benoît Breux. Mais l'évolution des modes de vie, de consommation et la raréfaction du foncier, entre autres, ont profondément changé la donne.

Parcours immobilier

Façades de bâtiments unifiées, rues pietonnes, services, commerces, restaurants et verdure, les nouveaux projets poussent sur des surfaces toujours plus denses. Les entreprises recherchent des espaces plus collaboratifs et participatifs "sur le modèle de la Tech américaine", selon le Monsieur aménagement de la CCI de région. "Elles choisissent des zones non plus parce qu'il y a du foncier disponible mais parce qu'il existe un vrai parcours immobilier." Toutefois, le foncier joue bien sûr encore un rôle plus ou moins important selon les secteurs d'activités. C'est le cas par exemple de la logistique. La plateforme multimodale Delta 3 à Dourges a réussi son pari en proposant des services de qualité. Une desserte ferroviaire, autoroutière et fluviale de premier plan. 77 ha d'entrepôts, des locaux dédiés aux entreprises du secteur et un centre de formation. Le deploiement bat aujourd'hui son plein. L'exploitant TIP Trailer Services a inauguré début avril son parc multiservices Delta Park A1/E17 étendu sur 7 ha pour lequel il investit 30 M€. Au programme d'ici un an et demi : une extension du parking poids lourds de 150 places, un restaurant et une station multi-énergies. Mais aussi un atelier de maintenance et de réparations, un centre de contrôle technique et un accueil chauffeurs avec douches et machines à laver. Pour Matthieu Corbillon, vice-président à la MEL en charge des parcs d'activités, "nos parcs doivent devenir des lieux de vie pour les entreprises et leurs salariés avec des services qu'ils trouveraient en ville." Les nouveaux parcs intègrent ces impératifs. Mais comment métamorphoser les plus dépassés ?

Des "poumons économiques"...

Sur la liste, le Prés Business pôle à Villeneuve d'Ascq, né dans les années 80, avait mal vieilli. Il est aujourd'hui en pleine transformation sous l’égide de son nouveau propriétaire depuis 2014, l’industriel Laurent Menissez. 30 000 m2 de bureaux seront construits d'ici fin 2019 dont un tiers pour les 900 salariés du siège régional du géant du service informatique Sopra-Steria. Côté services, le gestionnaire du parc annonce un espace restauration, une conciergerie, et deux squares de détente, entre autres. Une crèche a déjà ouvert ses portes. La renaissance de ce quartier d’affaires a déjà mobi lisé 20 M€. De son côté, la MEL a engagé depuis sept ans une politique de redynamisation pour neuf parcs d'activités jugés obsolètes, sur les 170 de son périmètre : la ZI Seclin, le CRT Lesquin, la Pilaterie, les parcs de Roubaix-Est, de la Houssoye, de Moulin Lamblin, de Ravennes-Les Francs, et enfin le CIT Roncq. Soit près de 1 300 entreprises et 30 000 salariés répartis sur plus de 1 100 ha dans 24 communes. Pour le président Damien Castelain, ils "ne jouent plus leur rôle de dynamique collective." Embarrassant, surtout pour son projet annoncé lors de ses vœux au monde économique début 2018 : "Je souhaite faire de nos parcs d'activités le poumon de notre territoire économique". Ainsi, d'ici à 2020, la MEL - qui a par ailleurs créé une charte “Parcs d'activités du 21e siecle” - investira 28 M€ pour les moderniser et les rendre plus attractifs. Priorité à la mobilité, la requalification des espaces publics et la sécurité. Les modes de transports doux et les voies piétonnes seront développés, la voirie améliorée, des espaces verts créés et aménagés. Enfin, la sécurité montera d'un cran avec l'installation de caméras de lecture de plaques d'immatriculation aux entrées et sorties. En parallèle, la Metropole maintient son enveloppe annuelle de 20 M€ consacrée à l'entretien et à la création de parcs. Précisément 19 dans les cinq ans, selon le vice-président métropolitain.

... plus éco-responsables

Ailleurs en région, d'autres parcs suivent le même mouvement. Dans la Somme, sur la zone d'activités du Vimeu industriel (190 ha, 2 000 emplois), c'est un peu "l'usine à la campagne". Elle bénéficie de rénovation regulière tout en préservant la biodiversité de la Baie de Somme. "Tous les 3 à 5 ans", precise Thierry Le Mauff, responsable équipement à la CCI Littoral. "Plusieurs autres parcs picards, comme celui de la Bresle Maritime, ont pris l'axe du développement durable et des énergies renouvelables. C'est un enjeu énorme", dit-il.

Le parc d'activités de Landacres à Boulogne-sur-Mer (165 ha dont 55 préservés, 650 emplois) concilie développement économique et environnement maîtrisé. Il est le premier d'Europe à recevoir, dès 1998, la certification ISO 14 001, renouvelée tous les trois ans. Éco-pâturage, installation de ruches sur les parcelles des entreprises, la Communauté d'agglo du Boulonnais a placé la gestion environnementale de son parc au cœur de sa stratégie. Et prochainement, elle y installera un hôtel à insectes.

A Douvrin, le Siziaf a adopté une politique "propre, sûre et accessible" pour son parc des industries de 460 ha, Artois-Flandres. Avec deux bâtiments Regain à haute performance énergétique, espaces verts, 12 kms de pistes cyclables et des navettes réservées aux 5 000 salariés pour les trajets entre la gare La Bassée et le site. "Ce n'était pas la priorité à sa création dans les années 70 mais aujourd'hui le projet est sérieux avec des paysagistes et architectes à nos côtés", déclare le Dg Vianney Leveugle. "Il a fallu persuader les acteurs et démontrer que cette dynamique permet- trait de ne pas perdre de valeur", renchérit le président Daniel Delcroix. Artois-Flandres vit jour et nuit 7 jours sur 7. "Il était important que les riverains s'approprient également cet espace. Au fil des aménagements, on les a vus revenir. Ne serait-ce que pour des balades à pieds ou à vélo", poursuit le président. "Ca faisait partie de nos objectifs politiques !"

A la CCI Hauts-de-France, on observe "une vraie prise de conscience en région des questions environnementales". "Requalifier tous nos parcs d'activités sera un travail de longue haleine. Mais on est plutôt bons en Hauts-de-France !", estime Benoît Breux. De quoi laisser présager une poursuite de la dynamique dans la durée.

 

3 questions à Benoît Breux, responsable aménagement et transports à la CCI Hauts-de-France

"Les zones d'activités deviennent de véritables quartiers économiques"

Eco121 : Comment définir la zone d'activités ?

Benoît Breux : C'est une notion qui a profondement évolué et qui devient de plus en plus ambiguë. Dans sa nouvelle conception, c'est un morceau de ville avec une grosse dominante économique... La zone d'activités devient un veritable quartier économique. Ce que l’on appelle la ZAC n'est qu'une simple procédure légale, c'est tout ! Le parc d'activités de la Pilaterie sur Marcq-en-Baroeul et Wasquehal est un bel exemple. Il y a des entreprises, des commerces et des logements. C'est pourtant une zone historique qui à l'origine ne disposait que d'entrepôts. Elle a entamé une mutation du fait de sa proximité, de sa position géographique et de l'apport de nouveaux services. Ça devient un vrai lieu de vie. Et c’est ce qu’on recherche pour tous les parcs d’activités : une dynamique, même le week-end.

C’est ce qui rendra une zone plus attrayante qu’une autre ?

Ce qui détermine la réussite d’un parc, c’est la politique de développement adoptée. Celle-ci ne doit pas se limiter qu’à l'offre foncière. Il faut aller au-delà avec une offre de services. Certaines zones ont su relever le pari comme Capécure à Boulogne-sur-Mer qui est devenu un pôle majeur dans le secteur des produits de la mer. A Dunkerque, on a le pôle industriel du port qui est également une belle réussite. Il faut aussi que le parc ait une belle adresse. Les entreprises sont de plus en plus regardantes sur ce point. Certains endroits sont plus vendeurs que d'autres. Les chefs d'entreprise veulent un cadre de travail agréable et beau... c'est humain !

S’implanter sur une zone d’activité est une vraie stratégie de developpement. Les entreprises peuvent développer des partenariats avec d’autres sociétés du site, par exemple. C’est aussi une stratégie RH puisqu’une belle localisation facilite la fidélisation des salariés et attire les nouveaux.

Quel sera le défi de la région ?

Rendre son foncier disponible - car il y en a, même à Lille - attrayant, notamment les friches du Nord - Pas-de-Calais. L'éco-quartier de l'Union est un exemple de requalification qualitative de friche où on a développé les services pour séduire les entreprises, et non l'inverse comme pour une grande partie des parcs d’activités. Idem à Delta 3 où les services ont été développés avant de proposer l'offre immobilière.