Digitalisation : les entreprises à la recherche de profils rares

C'est un paradoxe depuis plusieurs années : d'un côté, des consommateurs toujours plus connectés, utilisant le numérique au quotidien; de l'autre, certaines entreprises à la culture digitale peu ou insuffisamment présente. A l'heure où les sociétés françaises craignent l'ubérisation de leur activité, la digitalisation se présente comme une étape incontournable à franchir. Pour en partie faire face à des mastodontes comme Amazon nés dans l'ère du numérique.

En 2015, 75,6 % des entreprises se disaient prête à investir et prendre le virage digital dans les deux ans selon Cap Gemini. Une autre étude signée par Accenture Research révèle quant à elle que 21 % du budget informatique des 1 000 premiers groupes de France en termes de chiffre d'affaires étaient, cette même année, alloués au digital, soit 59 Mds€ (64 % pour le développement d'applications mobiles et 39 % pour celui de services omnicanaux). Soit 7 % de plus qu'en 2014. Organisation, méthodes de travail, positionnement sur le marché... le digital pousse l'entreprise vers une métamorphose profonde, l'obligeant à l'intégrer désormais dans sa stratégie et à redéfinir ses besoins. Mais quels sont-ils ? Et quels sont les nouveaux enjeux des entreprises ?

Une transition longue
Pour le responsable de l'école de développement web Le Wagon, basée à Euratechnologies, les entreprises doivent se réinventer pour améliorer leurs des performances. "La conduite du changement inhérente à la transformation digitale est généralement un processus long et complexe. Les entreprises en ont conscience et mutent pour opérer leur transition digitale", observe François-Xavier Abraham (à droite sur la photo). Encore faut-il en avoir les moyens. De leur côté, les grandes entreprises investissent, recrutent ou rachètent de jeunes pousses spécialisées dans le domaine du numérique pour bénéficier de leurs compétences en la matière. Certains VADistes se muent en pure-player à l'instar de La Redoute et son site laredoute.fr (qui s'est imposé grâce à la notoriété de la marque). Mais quid des plus petites structures ? "Certaines PME s'en sortent plutôt bien dans la région. Elles se modernisent et retravaillent leur marque employeur pour attirer leurs futurs salariés", répond Camille Zanchetti, consultante sénior à Lille du cabinet de recrutement Fed IT (lire ci-contre).

Rester compétitives
Les entreprises doivent donc s'adapter en interne et en externe. Avoir seulement un site Internet et une présence sur les réseaux sociaux ne suffit pas. Création de richesse, emplois, ROI, les enjeux sont nombreux et importants pour la pérennité de leur activité. Le digital oui, mais tout en restant compétitives sur leur marché. Le groupe d'entreprises Econocom souligne dans son baromètre des pratiques digitales de 2015 qu'un développement des ventes, la réduction des coûts et le renforcement de leur image sont les principaux moteurs de la transformation digitale. Cependant le manque de ressources financières, les craintes liées à la sécurité constituent pour les sociétés des vrais freins. Suivis de près par les problématiques de ressources humaines compétentes en interne. Ce dernier point joue d'ailleurs un rôle important dans la mutation des entreprises.

Comprendre le langage du web
C'est une condition sine qua non selon François-Xavier Abraham. "L'une des principales difficultés des rh est de trouver des profils capables d'agir avec compétence dans la mutation de l'employeur. Les décideurs d'hier et de demain ont une vision différente sur le numérique. La compréhension du développement web et celle des affaires doit être au cœur du métier de manager aujourd'hui. La technique est une réelle corde supplémentaire à leur arc", explique t-il.

Au même titre que les entreprises, l'éducation doit elle aussi vivre cette transition et transmettre les connaissances du langage informatique. "C'est un outil fondamental qu’il faut démystifier", insiste le responsable du Wagon. Les nouveaux collaborateurs formés à la culture, à la pratique et l’expertise du digital insuffleront de nouvelles perspectives et modèles économiques. Les entreprises devront repenser leur organisation en associant leurs compétences métiers historiques à celles offertes par l’ère du numérique. "Ces nouveaux collaborateurs seront la pierre angulaire de la réussite du digital dans l’entreprise de demain", précise Florian Pelgrin, directeur du Msc en Data Analytics & Digital Business.

Culture hybride d'ingénieur et manager François-Xavier Abraham en est convaincu, seuls les managers à la double casquette technique - business faciliteront les changements de leur entreprise. Et c'est pour répondre à la forte demande du marché que Le Wagon Lille et l'EDHEC Business School de Lille ont mis en place un partenariat agile. Les étudiants du Msc en Data Analytics & Digital Business ont eu la possibilité de suivre le bootcamp Le Wagon et ont bénéficié d’une formation intensive en qualité de développeur pendant les deux premiers mois de leur formation académique.

Lancé en septembre 2017, le Msc s'adresse aux étudiants en dernière année d'études à l'EDHEC. "Nous formons les managers de demain en leur apportant ces compétences tant recherchées. Ils suivent des cours théoriques et pratiques de data science, de gestion de données, de business analytics/intelligence ou de programmation et réalisent des projets concrets", explique Florian Pelgrin (à gauche sur la photo). L'objectif à terme est de créer des passerelles entre les profils formés à la technique et ceux formés au business, et de constituer ce "langage commun" à la fois compréhensible par les data scientists et les manager.

 

3 questions à Camille Zanchetti, consultante sénior au sein du cabinet de recrutement Fed IT Lille, : “Il faut laisser plus de chance aux profils atypiques”

  • Quel est l'impact du digital sur le marché de l'emploi ?

Le marché actuel est très tendu. Avant il y avait beaucoup de copié-collé, aujourd'hui on modifie la fiche de poste, c'est au candidat de créer son poste. Les offres d'emploi sont nombreuses et les profils rares. Regionjob prévoit 900 000 emplois vacants dans le numérique d'ici à 2020 et jusqu’à 11 % de postes non pourvus en 2020.

  • Comment se déroule la digitalisation des entreprises régionales ?

La région est très dynamique. Les grands groupes collaborent énormément avec les start-up (Leroy Merlin et la jeune pousse Permettez-moi de construire, par exemple). Euratechnologies leur est d'ailleurs très utile pour trouver celles spécialisées dans le digital.

  • Comment réussir sa transition numérique ?

La transition doit donc être faite en interne et en externe, en même temps ou l'un après l'autre. Pour cela il faut faire confiance aux salariés et surtout recruter de bons candidats sur le marché. Ils doivent voir que l'entreprise a compris les changements imposés par le digital et qu'elle maîtrise les nouveaux outils. Les entreprises ne doivent plus s'arrêter aux diplômes, aux études et aux expériences, mais plutôt évaluer le potentiel. Il faut rester exigeant dans la sélection des candidats mais laisser plus de chance aux profils atypiques.

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