Beaucoup d'entreprises redoutent le mur de l'énergie

Nombre de sociétés doivent renouveler leur contrat énergétique en cette fin d'année. Avec des hausses considérables qui tétanisent leurs dirigeants et inquiètent l'écosystème.

 

Des tarifs d'électricité multipliés par trois, cinq voire par huit. Les cas sont nombreux de ces dirigeants désarçonnés devant la violence du choc énergétique. « Je me prends à me satisfaire d'une multiplication par deux seulement », commente, désabusé, l'un d'entre eux.

Le Medef Côte d'Opale a mené une opération de communication en novembre pour éclairer par l'exemple cette problématique majeure. L'Etat a certes pris la mesure du sujet et déployé des dispositifs : d'abord fléchés sur les énergo-intensifs dont la survie était menacée (dont, par exemple, un chèque de 50 M€ pour Aluminium Dunkerque), puis plus largement, mais avec des critères si complexes que les chefs d'entreprise n'y comprenaient rien. Une simplification a été décidée fin novembre, mais qui ne rassure pas encore les dirigeants.

Chez BSL Steel, un groupe indépendant de transformation du métal, certifié pour le nucléaire, qui compte trois unités à Dunkerque et Nœux-les-Mines (100 salariés, 15 M€ de CA), Benoît Guillemot lâche :« Non, on n'est pas satisfait. Ce n'est pas simple à comprendre et surtout pas suffisant ! » Car son entreprise dépensait jusqu'à présent 1% de son chiffre d'affaires en énergie. Mais avec les perspectives de renouvellement de contrat, « cette part pourrait représenter 5 à 10% ! », s'étrangle le dirigeant, qui avoue avoir « le moral en berne ». D'autant que les marges du secteur sont modestes, entre 1 et 3%.

A Boulogne-sur-Mer, Marc Leroy, patron de l'imprimerie SIB (180 salariés, 35 M€ de CA), est dans un état d'esprit très similaire. Secteur à faible marge, l'imprimerie a déjà encaissé un doublement du prix du papier en douze mois. Et les négociations énergétiques de la SIB laissent apparaître un passage d'un coût de 75€ le MWh à 300 voire 400 fin décembre. Même si les aides de l'Etat vont alléger cette hausse spectaculaire, le dirigeant peine à calculer l'impact final sur ses prix de prestations.

Comment les répercuter aux clients ? Comment établir un prix pour 2023, alors que la période est précisément aux appels d'offres ? Et ceci, alors que ses grands concurrents espagnols bénéficient quant à eux du découplage décidé par leur gouvernement entre les prix du gaz et de l'électricité. Résultat : eux offrent des tarifs attractifs et lui ont déjà pris un gros client nordiste pour un catalogue publicitaire.

IMPACT ENCORE PEU VISIBLE

Si nombre d'entreprises sont très inquiètes, il faut en revanche constater que l'impact n'est pas encore perceptible devant les tribunaux de commerce. Les dirigeants vivent plutôt cette perspective comme une véritable épée de Damoclès. Dans le sondage réalisé par la CCI Hauts-de-France en octobre, il apparaissait déjà que 31% de nos entreprises ressentaient un impact fort des prix de l'énergie, un taux qui montait jusqu'à 70% dans certains secteurs. Et 42% des entreprises envisageaient de suspendre leurs projets d'investissement. La cellule de crise mise en place par les organismes consulaires ont certes reçu nombre d'appels depuis, mais ce n'est pas encore à ce stade le tsunami que certains pouvaient redouter. L'heure de vérité viendra avec les premiers mois de 2023, la mise en place des nouveaux contrats énergétiques et le déploiement des aides de l'Etat.