Comment Méert compte mettre les bouchées doubles

Thierry Landron, dirigeant de l'entreprise, devant la halle qui accueillera sa production et ses bureaux à l'horizon 2027 Thierry Landron, dirigeant de l'entreprise, devant la halle qui accueillera sa production et ses bureaux à l'horizon 2027

La célèbre maison tricentenaire de la rue Esquermoise va délocaliser sa production à Fives-Cail. De quoi débloquer son formidable potentiel de croissance, en France, sur le e-commerce et à l'international. Le début d'une nouvelle ère ?

 

"Eh tio ! Mondialise ! » Repreneur de Méert en 1996 avec plusieurs associés, Thierry Landron se souvient encore du conseil d'un certain Gérard Mulliez. L'entreprise, née au XVIIème siècle, était gérée depuis 100 ans par la même famille, les Cardon. En 1996, Benoît Cardon n'a pas de successeur et Thierry Landron, alors expert comptable à la Fiduciaire du Nord (devenue KPMG), saisit l'occasion de se lancer. Méert est alors à l'étiage, avec seulement 13 salariés et 400 000 francs (60 K€) de chiffre d'affaires, et la rue Esquermoise est à l'époque en détresse, avec de très nombreux pas de porte à céder. « J'aurais dû racheter toute la rue », plaisante Thierry Landron aujourd'hui.

La Covid, un élément déclencheur


La célèbre maison aura connu en 27 ans diverses fortunes, avec par exemple deux ouvertures avortées à Bruxelles et rue Saint-Germain à Paris. « A l'époque, on pensait ouvrir 10 boutiques à Paris, mais sans moyens et sans connaissance dédiée au développement de marques. A Bruxelles, on s'est fait encercler et étouffer par les chocolatiers bruxellois, on s'est fait découper en rondelles !», se souvient avec son humour caustique Thierry Landron. La période Covid a permis à l'entreprise de repenser son modèle. « Cela a été un élément déclencheur. La Covid a révélé nos faiblesses mais aussi tout notre potentiel », raconte le dirigeant, qui s'est adjoint les services d'un spécialiste de la marque, un ex de chez Lenôtre qui a beaucoup développé en Chine. Le e-commerce s'est envolé en flèche, pour représenter aujourd'hui 10% des ventes en boutiques.

Méert s'est adaptée au phygital avec un service en test chez Chronodrive qui permet de s'affranchir des files d'attentes.

Elle a pris place dans les réseaux sociaux, Instagram, Facebook et même TikTok et s'enorgueillit de compter déjà 100 000 followers. Méert a noué un partenariat avec Louis Vuitton pour installer un salon de thé Méert à l'étage de la boutique du vieux Lille (l'ex Huîtrière). Les espaces de la rue Esquermoise ont été repensés, réaménagés, focalisés sur l'expérience client. Résultat : « ça ne désemplit pas ! »

Le restaurant du musée la Piscine à Roubaix, est lui aussi un succès. La dernière boutique à Paris, rue Elzevir (dans le Marais), fonctionne très bien. Et sera rejointe fin septembre par une autre boutique mais sur un nouveau concept d'atelier gaufre. Méert entend bien réussir ses JO 2024. Et Paris offre un potentiel certain pour d'autres implantations dans des quartiers alliant pouvoir d'achat et flux élevés. La marque pourrait aussi rayonner à l'international (le conseil de Gérard Mulliez a donc fait son chemin !) avec une réflexion en cours pour ouvrir à Washington, avec un Lillois qui s'est installé outre-Atlantique comme pâtissier.

 

Méert en chiffres 

CA 2022 : 12 M€

Effectifs : 110

Création 1671

 

Perspectives débridées 


Méert affiche aujourd'hui un chiffre d'affaires qui tangente les 12 M€. « 2019 avait été une excellente année, nous avons fait davantage en 2022 tout en ayant fermé la boutique Saint Germain et Bruxelles », sourit Thierry Landron, évoquant une poussée de 20% sur la seule boutique du Vieux Lille. Et les perspectives vont se débrider. Car l'entreprise historique est extraordinairement contrainte par des installations très exiguës et malcommodes, 1 000 m2 tout de même. Il faut faire preuve d'une ingéniosité de tous les instants pour que la chorégraphie des ateliers, du restaurant, du salon de thé, de la boutique et les milliers de visiteurs quotidiens se passe sans anicroches.

Thierry Landron a donc saisi l'opportunité de la réhabilitation de l'immense friche Fives-Cail, où la ville pousse à l'émergence d'un cluster des métiers de bouche, pour y transférer ses ateliers et ses bureaux. Une halle dédiée de 2 500 m2 va voir le jour à horizon 2027, avec un confort de travail sans comparaison, à proximité immédiate du lycée hôtelier. 2027, cela tombe bien, c'est aussi l'échéance de remboursement d'un PGE et de certains emprunts, qui donnera de nouvelles marges à l'entreprise. De quoi s'autoriser une feuille de route ambitieuse, avec deux ouvertures de boutiques par an, imagine Thierry Landron, qui anticipe déjà de nouvelles activités de type séminaire dans les espaces libérés du Vieux-Lille.

 

 

Le pari de l'excellence

Méert, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV), joue la carte du luxe. Dans le bureau de Thierry Landron, trônent des caisses de vanille de Madagascar et de cannelle du Sri Lanka, aux parfums suaves qui embaument les lieux. « C'est de l'or ! On est les seuls à acheter cette qualité là, on utilise les meilleurs produits ». Le dirigeant rejette l'idée d'industrialiser son activité. « Notre sujet, c'est le tour de main, le savoir-faire manuel ! »

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