Croissance verte et écologie : un avenir commun ?

[caption id="attachment_10970" align="alignleft" width="238" caption="Par BRUNO VILLALBA (Sciences Po Lille-Ceraps)"][/caption]

 

 

 

 

Peut-on pour autant parler d'une véritable conversion de l'économie, permettant, enfin, " d'internaliser les externalités " environnementales ?

1. La croissance verte : Business as usual

Cet engouement apparaît davantage comme une opportunité pour les économies libérales de faire face aux conséquences de la crise financière et économique. Elle révèle le développement d'une croyance (la dimension verte) adaptée à une action conforme aux finalités de la croissance. L'un des préceptes de l'économie verte est la reconnaissance de la valeur du capital naturel et son intégration aux dynamiques de marché."Avec la croissance verte, nous pouvons continuer sur notre lancée du toujours plus : il ne s'agit aucunement de remettre en cause le postulat de la croissance indéfinie sans contrainte"

La compétitivité reste déterminante et de ce fait généralise à la maximisation des ressources disponibles, au détriment d'une réflexion qui porterait sur les conditions d'une mutualisation optimale de ces ressources. Avec la croissance verte, nous pouvons continuer sur notre lancée du toujours plus  : il ne s'agit aucunement de remettre en cause le postulat de la croissance indéfinie ne connaissant aucune contrainte.

2. L'écologie : la contrainte de la finitude

L'écologie représente le fait qu'il existe une réalité objective, une contrainte matérielle indépassable, bref, une limite. Notre modèle de développement économique, même teinté de croissance verte, reste difficilement compatible avec l'existence de cette finitude. Les preuves qui attestent de l'accroissement des inégalités sociales et de la multiplication des dommages environnementaux engendrées par le paradigme de développement dominant sont persistantes, et de plus en plus présentes, alors que ce modèle s'impose comme norme des pratiques sociales dans le monde. Or, tout notre imaginaire social, technique, économique et politique, est construit à partir de la négation de cette limite. Le fameux mythe de la croissance est l'expression la plus décisive de cet imaginaire de l'arrachement aux contraintes naturelles. La croissance verte perpétue l'illusion de cette continuité. Dés lors, comment introduire de la finitude dans notre vie quotidienne ?

3. Interroger la compatibilité

La croissance verte doit encore faire la preuve de maîtriser la chaine des causalités dans son développement. Qu'elle participe à l'amélioration d'un segment du système productif, c'est là tout l'objet de l'abondante littérature technique consacrée à ce sujet. Par contre, comment appréhender la multitude des interactions en jeu à partir d'une innovation technique ? La voiture électrique ne résout pas l'enjeu lié à la production énergétique, les contraintes de l'aménagement du territoire, les rapports sociaux de la mobilité, le rapport au temps que cela façonne dans nos sociétés...

La croissance verte nous amène à différer encore les conditions d'usages de ces innovations. Nos appareils informatiques consomment moins d'énergie. Mais leur usage s'intensifie, ce qui finit par annuler la baisse de consommation, à usage et parcs constants.
La croissance verte souhaite remplacer le concept de productivité focalisée jusqu'ici sur une augmentation de la production de la main d'oeuvre, par une optimisation de l'efficacité des systèmes techniques par une augmentation de la productivité des ressources. Mais cela ne nous dit rien des conditions politiques de cette appropriation de la ressource et des mécanismes d'inégalités qu'elle engendre.

Enfin, à force de considérer que l'on va pouvoir ainsi indéfiniment reculer la limite par la technique, cela ne nous permet pas d'analyser la viabilité et l'équité d'un tel système. Nos élites, politiques ou scientifiques, continuent à imaginer un monde à l'image de celui qui les a façonné. Comment sortir de cette routine ? L'une des voies possibles consiste à réhabiliter un vocabulaire politique plus adapté à la situation. La notion de sobriété peut constituer un élément déclencheur, à condition de ne pas s'acharner à la rendre désirable, mais surtout, socialement équitable.