Décarbonation : Aluminium Dunkerque passe la surmultipliée

Loon-Plage. La plus grosse usine d'aluminium d'Europe lance un plan bas carbone LowCAL en trois phases. En perspective : le doublement des capacités et la chute drastique des émissions.

 

C'est en 2025 qu'un 8e four va rentrer en service chez Aluminium Dunkerque. L'usine va ainsi pour la première fois intégrer dans son process de l'aluminium recyclé, soit 7 000 tonnes, un niveau encore bien modeste par rapport aux 285 000 tonnes que produit le site. C'est une première marche, pour un coût de 12 M€, dont 1,5 M€ d'aide de l'Etat, vers la décarbonation de l'usine.

Aluminium Dunkerque, repris en 2021 par le fonds American Industrial Partners, a adopté une feuille de route à horizon 2050, baptisée LowCAL, et supposée réduire très fortement les émissions, en trois temps : -5% d'ici à 2025, -30% d'ici à 2030 et -70% d'ici à 2050. L'enjeu est colossal quand on sait qu'Aluminium Dunkerque est le premier site consommateur d'électricité en France : il mobilise un demi-réacteur de la centrale nucléaire voisine.

L'usine est déjà un bon élève. « Aluminium Dunkerque figure parmi les leaders mondiaux de la production d'aluminium bas carbone. Nous émettons quatre fois moins de gaz à effet de serre que la moyenne mondiale du secteur. Nous n'entendons néanmoins pas nous reposes sur ces bonnes performances », décrypte Guillaume de Goÿs, PDG de l'entreprise.

La première phase est déjà engagée. Outre le four, des efforts sont demandés à 360° aux sous-traitants, partenaires, fournisseurs, ainsi qu'aux 700 salariés pour s'approprier les enjeux. Une centrale solaire sera bâtie en ombrière au-dessus du vaste parking. Mais le dirigeant reconnaît que les marges sont faibles au regard de la consommation de l'usine.

La deuxième phase, quantifiée à 200-250 M€, permettra un saut quantitatif plus important, grâce à la captation et au stockage du carbone. Un consortium est en cours de constitution avec plusieurs acteurs du secteur (dont le lillois Fives), afin de finaliser les réponses technologiques. Car la technologie n'est pas encore trouvée dans le monde de l'aluminium, contrairement aux cimenteries. Aluminium Dunkerque entend aussi pousser le curseur de l'aluminium recyclable sur cette phase, avec 30 000 tonnes de plus.


Technologie de rupture 

Enfin, la feuille de route doit aboutir en 2050 à un effondrement de 70% des émissions, grâce à une rupture technologique majeure. Il s'agira de basculer l'électrolyse avec des anodes inertes constituées non plus de blocs carbone mais de nouveaux matériaux conducteurs. Des concurrents sont déjà bien engagés dans cette technologie avec une perspective industrielle en fin de décennie. Pour Aluminium Dunkerque, l'investissement est évalué à pas moins de 2,5 milliards d'euros, avec en parallèle une montée de la production à terme aux alentours de 600 000 tonnes.

Si les décisions sont déjà adoptées pour les trois prochaines années, les perspectives lointaines sont, elles, conditionnées à différents paramètres. « Il nous faudra impérativement sécuriser notre approvisionnement en électricité, nouer des partenariats avec d'autres industriels et bénéficier d'un soutien fort des pouvoirs publics », résume Guillaume de Goÿs. La route est droite, mais la pente est forte, pourrait-on dire, en paraphrasant un ancien premier ministre.-