Entreprises, osez l'international !

Alors que la croissance est structurellement faible dans l'Hexagone, les entreprises ont toutes les raisons d'aller vendre hors des frontières. D'autant que l'accompagnement « en meute » est désormais très huilé et efficace dans notre région depuis six ans. C'était la toile de fond d'un rendez-vous organisé le 30 mai dernier sous l'égide de CCI International. 

 

Le 30 mai dernier, la CCI Hauts-de-France organisait une rencontre exceptionnelle autour de l'international, en présence du président de CCI France Alain Di Crescenzo et de Laurent Saint-Martin, directeur général de Business France. L'occasion de célébrer les 6 ans de la Team France Export, le premier anniversaire de Hauts-de-France International et de mettre en place un UK Business Center dédié aux porteurs de projets britanniques. Des initiatives qui visent à pousser l'international en groupe, avec une boîte à outil très fournie au service des entreprises, qui comprend aussi un accélérateur export, l'accompagnement à des salons, un « contrat individuel export » ou l'accès au WTC lillois connecté à ses 349 alter ego dans le monde entier. « Chez nous, on ne dit pas Team France Export mais Team Hauts-de-France Export ! Et ça fonctionne car il y a une entente totale entre nous et que sur ces sujets là, la politique n'existe pas. C'est l'économie qui nous intéresse », résume Philippe Beauchamps, vice président au conseil régional, qui fait état d'un « bon bilan ». Sur 2020-2023, près de 500 entreprises ont bénéficié d'un accompagnement spécifique, dont l'impact a été mesuré au plan national à une moyenne de 188 K€ de chiffre d'affaires en plus et la création moyenne de 2,15 emplois (étude Ipsos). A l'échelle des Hauts-de-France, Philippe Beauchamps calcule donc un gain de plus de 100 M€ de chiffre d'affaires et plus de 1 000 emplois générés.

Même satisfecit pour Laurent Saint-Martin, directeur général de Business France pour qui « les TFE n'ont de sens et d'efficacité que s'ils sont territorialisés ». Et qui associe la réussite en terme d'attractivité à celle de l'export. Cela tombe bien, la région truste depuis quelques années les places sur le podium de l'attractivité (lire notre dernier numéro), « avec une métrique extrêmement forte », souligne-t-il. L'an dernier la Team France Export en région a accompagné plus de 400 entreprises.

Focus sur les Pays-Bas

« Vous avez su recréer une dynamique extraordinaire sur ce territoire », s'enthousiasme Alain Di Crescenzo. Et l'ambition est bien de continuer à tirer la pelote. François Decoster, vice-président du conseil régional en charge notamment des relations internationales, souligne le potentiel de notre région au cœur de l'Europe, au barycentre d'un territoire de 80 millions d'habitants à fort pouvoir d'achat à 3 heures de route. D'où un focus particulier sur ces zones de proximité, notamment les Pays-Bas, avec une forte présence, notamment au grand salon PLMA, avec 23 entreprises régionales présentes cette année contre 6 il y a sept ans. « On a décidé de se mobiliser sur cette destination de voisinage car c'est le marché naturel pour les entreprises de notre région », poursuit François Decoster. La TFE régionale relance par ailleurs un lieu d'accueil pour les investisseurs britanniques. Le UK Business Center (UKBC) se veut la porte d'entrée pour le marché français, offrant des services juridiques, d'interprétariat, au pied de la garde Lille Europe. « 60 entreprises nous ont déjà contacté », se réjouit Luc Doublet, président de Nord France Invest, qui évoque une autre cible prioritaire, bien que plus lointaine, à savoir le Japon. Une mission est déjà programmée en novembre dans l'archipel qui est le premier investisseur asiatique dans les Hauts-de-France (80 sites et 9 000 emplois).

Alain Di Crescenzo, président de CCI France : « L'international, c'est incontournable ! » 

« L'international est-il une option ? Non. Et ce n'est pas réservé aux grands groupes. C'est incournable pour aller chercher des marchés, on en a besoin, c'est de la pure arithmétique : la France, c'est seulement 3% du PIB mondial. Pour amortir vos frais fixes, vous allez chercher du volume et de la dynamique de croissance à l'international. D'autre part, le taux de croissance dans le monde, qui approche les 3,5%, est trois fois plus élevé que la croissance française. Et le fait d'être dans plusieurs pays va dérisquer votre activité. Plus on appuie le développement sur plusieurs pays, plusieurs cultures, plus on dérisque. Et il y a une dimension citoyenne aussi : avec une balance commerciale aussi dégradée, on ne peut pas rester comme ça, ce n'est pas possible ! Les résultats sont là. Nous avons craqué le cap des 150 000 entreprises accompagnées et maintenant on va aller arracher les 200 000 !"

 

 

Accompagnement indispensable

Toute cette impulsion publique coordonnée est capitale pour marquer l'essai. « Il faut savoir s'entourer des bonnes personnes, et ne pas partir à l'aveuglette à l'international », souligne Antoine Perrault, responsable des ventes chez Poittemill, à Béthune (85% de chiffre d'affaires à l'export). Pauline Duprez, dirigeante de la société de Saint-Quentin Confitures et compagnie (haut de gamme), s'apprête à se lancer à l'international après une maturation d'un an au sein de l'accélérateur export de CCI International, au côté de 14 autres entrepreneurs. « Aujourd'hui, tout est prêt pour présenter nos produits aux marchés cibles », raconte-t-elle, évoquant des premières touches aux Etats-Unis, en Irlande et en Inde. La deuxième promotion de 10 accélérés est aujourd'hui dans les starting blocks.

« Depuis six ans avec Business France, nous avons été les premiers à démarrer la TFE. Nous avons la volonté de convaincre les chefs d'entreprise d'exporter avec un système d'aides et de techniques qui a fait ses preuves », lance Philippe Hourdain, président de la CCI de région.

 

Le Casier français : « du temps bien investi »

 

Né en 2019, le Casier Français développe des casiers réfrigérés automatiques dévolus au circuit court. La société de Templemars a connu une forte dynamique en cinq ans qui l'a menée à un volume d'affaires de 7 M€ l'an dernier avec 45 salariés. Même si l'entreprise est très jeune, elle vend déjà ses casiers made in France (à 93%, précise le dirigeant Manuel Moutier) hors des frontières depuis 2022. « On peut aller à l'export car nous sommes sur un produit à valeur ajoutée et différenciant. Mais surtout parce qu'on a été bien accompagnés. Il ne faut pas y aller tout seul, on peut se casser les dents. La présence du guichet unique pour les Pme est un facteur clé de succès », expose Manuel Moutier, qui insiste sur la préparation nécessaire. « Cela ne se fait pas d'un claquement de doigt, et trois mois après vous exportez. C'est de la longue haleine, mais c'est du temps bien investi » . La société a été accompagnée notamment par Bpi qui peut couvrir 65% du risque de prospection internationale. Elle est aussi passée par un accélérateur export, et a bénéficié des services de CCI International et du club Afrique. Le Casier Français réalise aujourd'hui 15% de ses ventes à l'export, notamment au Canada, en Côte d'Ivoire et en Europe, mais il vise les 50% à horizon 5 ans, objectif élevé car dans le même temps la tendance reste toujours très forte sur le marché français (+40% au premier semestre). La société s'est doté d'un directeur export mais Manuel Moutier le reconnaît, « cette dynamique doit être portée par le chef d'entreprise. L'export va impacter l'intégralité des organes de l'entreprise. Et les clients veulent voir le dirigeant... On n'est qu'au tout début de l'export, au tout début de l'histoire ».