La rebellion anti-confinement prête à s'enflammer

La CCI et la chambre des métiers alertent sur "une situation explosive". Plusieurs maires signent des arrêtés illégaux autorisant l'ouverture de commerces dits non essentiels. La Préfecture maintient un discours ferme sur l'urgence sanitaire. La tension est très palpable.

 

La population de Barcelone n'est pas la seule à se braquer contre le confinement. Plusieurs maires du Nord dont des élus importants comme le maire de Valenciennes ou ceux de Caudry ou de Faches-Thumesnil ont pris des arrêtés municipaux en opposition aux décisions gouvernementales. Laurent Degallaix, à Valenciennes, qui est tout sauf un extrémiste, dit se battre depuis des années pour gagner la bataille du commerce de centre ville, et estime que le confinement « risque de tuer définitivement l'élan initié ». Il doit signer lundi un arrêté autorisant l'ouverture de tous les commerces « sous respect bien évidemment des protocoles sanitaires stricts ».

De nombreux maires ruent dans les brancarts pour sauver leurs commerces alors que le confinement avantage à l'évidence le e-commerce et les grandes surfaces, et vient contrarier les politiques nationales de redynamisation du commerce de proximité tel le programme Action Cœur de ville.

Les maires de Brive, Béziers, Dijon ou Villeneuve-Loubet parmi bien d'autres ont fait ce choix tandis que l'Association des maires de France demande le réexamen de la notion de commerce de première nécessité, évoquant « une situation de grave déséquilibre de concurrence ».

 

 Dans le Nord, la Préfecture s'est fendue d'un communiqué ce samedi 31 octobre, indiquant que des référés avaient déjà été introduits devant le tribunal administratif pour suspendre ces décisions municipales. Elle note aussi que le gouvernement a annoncé des mesures de type click & collect permettant de garantir l'équité entre les commerces. La Préfecture fait enfin référence à une récente jurisprudence du conseil d'Etat (17/04/2020, commune de Sceaux) qui limite le pouvoir du maire dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire aux seules « raisons impérieuses liées à des circonstances locales ». Il n'est pas sûr que cela suffira à calmer des élus locaux tétanisés à l'idée de voir couler définitivement leur tissu commercial.

 

Limites de l'acceptabilité

 

L'incompréhension sur les décisions de l'Etat paraît immense du côté des commerçants et artisans. Dans un communiqué d'un ton très inhabituel, commun entre la chambre des métiers et la CCI Hauts de France, leurs deux présidents font état d'une « situation explosive » et « de rupture » auprès de commerçants et d'artisans « qui se sentent trahis ». « Le sentiment d'injustice et de « plus rien à perdre » est trop fort », alerte Laurent Rigaud, nouveau président de la CMA, qui relève que beaucoup d'artisans, de collectifs et d'élus locaux veulent passer à l'action. De son côté, Philippe Hourdain en appelle à « travailler ensemble et rapidement mettre en oeuvre des contres propositions aux mesures de fermetures ». « Le terrain a besoin d'être entendu », réclame Laurent Rigaud.

Hélène Natier, présidente de la fédération indépendante Ficomel (300 commerçants de Lille), fait part quant à elle d'un "sentiment d'injustice et de non-sens alors que les commerçants et artisans ont tout mis en place pour faire respecter les gestes barrières", mais aussi d'incompréhension d'être contraints à la fermeture contrairement aux écoles, aux transports en communs et que "les supermarchés sont à plein et tirent haut la main leur épingle du jeu dans cette crise sanitaire, sans parler d'Amazon". 

Les milieux économiques se sont au demeurant organisés en urgence depuis l'annonce du reconfinement pour apporter des réponses aux acteurs économiques souvent désemparés. 

Manifestement, l'urgence n'est pas que sanitaire.