"Le Nord veut et va se faire entendre ! " Christian Poiret, président du Département du Nord

Le président du premier département de France Christian Poiret vient de faire voter une délibération sur l'action économique de sa collectivité. Sur fond de grosse tension concernant les finances du conseil départemental, il en appelle au soutien de l'Etat.

 

Le conseil départemental vient de voter une délibération cadre sur sa politique de développement économique. En quoi le Département est-il encore compétent dans ce champ ?

Depuis la loi NOTRe, les Départements sont chefs de file de l'action sociale, de la solidarité, qui représente 78% de notre budget, et les Régions sont en effet chefs de file de l'action économique. Mais ça ne nous empêche pas de faire du développement économique, heureusement.

Prenons le retour à l'emploi des allocataires du RSA : ils étaient 116 000 en 2015 quand nous sommes arrivés à l'exécutif du département. Quand j’ai été élu à la présidence il y a deux ans, nous avions 103 000 allocataires. En octobre 2023, ils ne sont plus que 89 384, c'était notre objectif de passer sous le seuil des 90 000.

Peut-on aller plus loin ou avez-vous atteint une forme de plancher ?


Peut-être car le taux de chômage va remonter. Mais nous travaillons sans relâche, avec nos coachs. Nous avons recensé par exemple 6 400 autoentrepreneurs qui touchent en même temps le RSA. On évalue avec une banque partenaire pour voir si leur activité est viable ou pas. Si ce n'est pas le cas, il faut les amener à l'emploi. De même, nous comptons 2 400 personnes qui pourraient toucher leur retraite mais qui sont encore au RSA. Nous avons mis en place un bus avec la Carsat pour convoquer les allocataires concernés et pour les aider à remplir leur dossier retraite. Et nous devons verser le RSA aux personnes qui en ont besoin, ce n'est pas négociable.

Vous tirez le signal d'alarme sur la hausse des dépenses. Pourquoi, alors que le nombre d'allocataires baisse?


L'Etat décide des hausses du RSA. En 2023, c'est + 5,5%, en 2024 ce sera 4,6%. Pour nous, ce sont donc 65 M€ sur deux ans, alors que l'Etat compense zéro ! L'Etat a augmenté les salaires des assistants familiaux de 20%. Aujourd'hui, l'Etat décide, les départements paient. Le Nord fait partie des 8 départements les plus en difficulté. Nous avons plus de dépenses imposées par l'Etat pour 2024, soit + 144 M€ (RSA, points d'indice, service aide à domicile etc). Or de l'autre côté, nous ne maîtrisons plus les recettes, nous sommes presque sous tutelle de l'Etat, qui n'indexe pas ses dotations sur l'inflation. Alors que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) reculent cette année de 120 M€ (-27%).

Dans les années qui viennent, l'Etat doit être à nos côtés. Le premier département de France a pris contact avec les ministres et la première ministre. Le Nord veut et va se faire entendre.

Que demandez-vous à l'Etat ?

Deux choses : une enveloppe complémentaire pour les départements en difficulté sur le fonds de sauvegarde qu'il faut porter de 53 à 153 M€. Et je propose que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui touche plus de 2,6 Mds € de CSG, apporte 500 M€ aux départements en 2024, autant en 2025 et 300 M€ en 2026.

Cette situation tendue aura-t-elle un impact sur les ambitions du département ?

Il y aura des difficultés à investir, ce qui va nous amener à aller à l'emprunt. L'investissement va baisser entre 300 et 325 M€ contre 350 M€ précédemment. On va abandonner ou réduire des compétences non obligatoires qu'on avait rajoutées. Je garderai des priorités sur trois axes : les communes et intercommunalités (environ 60 M€), les collèges (environ 80 M€) et les voiries (80 M€).

Votre contribution au canal Seine-Nord est-elle menacée ?


Elle est sanctuarisée. Le contournement de Maubeuge se fera, la route 642 aussi, tout comme le passage de la RD 500 en quatre voies, mais cela prendra un peu plus de temps. Les collèges sur lesquels nous avons pris des engagements se feront aussi, comme à Wattrelos et Armentières. De manière générale, la parole du Département sera assurée.