Le nouveau port de Calais largue les amarres

Calais. Au terme de six années d'un chantier colossal perturbé par la pandémie et le Brexit, le port s'offre une extension majeure propre à lui ouvrir un nouvel avenir. Une ouverture en cycle très creux mais qui engage pour de nombreuses décennies.

 

 

Est-ce un « game changer », un changement de nature à bouleverser les cartes de l'avenir économique de Calais voire bien au-delà ? L'avènement du nouveau port de Calais, dix-sept ans après les premières discussions, 6 ans après les premiers coups de pioche, et au terme de 863 M€ d'investissement, offre en tout cas au territoire un écrin de dimension XXL.

Il n'y avait pas le choix, dit en subs- tance Natacha Bouchart, maire de Calais et présidente de l'agglo. « Dans dix ans, nous n'aurions pas pu accueillir les nouvelles générations de ferries », lance-t-elle. D'ailleurs P&O va déjà opérer deux nouveaux bateaux en 2022 de 235 mètres de long, plus grands encore que le « Côte d'Opale » que vient de lancer l'armateur DFDS le 4 août dernier (215 mètres). Le manque d'espaces terrestres aurait aussi empêché le développement au moment où les contraintes de contrôles se sont multipliées. Le consensus était donc général le 9 septembre pour le « geste inaugural » : un concert de cornes de brume.

Contre-cycle

Ce projet, porté à son terme avec une énergie farouche par l'ex-président de CCI et désormais Pdg de la société d'exploitation des ports du détroit (SEPD), Jean-Marc Puissesseau, bascule le port dans une nouvelle dimension. Les chiffres sont d'ailleurs impressionnants (ci-dessous). La capacité de l'infrastructure va lui permettre aisément d'absorber les hausses de trafic, avec d'énormes gains de productivité (maniabilité dans le port, crocs largables opérés à distance...) capables de diminuer de 30% le temps d'escale.

Problème : pensée en phase de croissance, l'infrastructure arrive à échéance en plein creux historique, alimenté par le Brexit et la pandémie. L'activité reste aujourd'hui au ralenti. « La frontière a été fermée pendant un an, nous avons perdu 90% de la clientèle », admet Benoît Rochet, directeur général de la SEPD, qui souligne les surcoûts du double test Covid pour les passagers. Son président se dit persuadé que les 8 à 9 millions de voyageurs annuels vont néanmoins revenir, « d'autant plus que nous avons ici des conditions d'accueil qui n'existent pas ailleurs ». Cerise sur le pudding, le port va pouvoir déployer une activité de duty free sur 1 000 m2 dans un nouveau bâtiment réalisé en front de mer. Le port compte aussi déployer l'arme du multimodal, déjà préparée depuis dix ans avec le ferroutage. Le « non accompagné » (les remorques seules) s'est déjà bien développé, avec du fret remontant de Perpignan, Mâcon, d'Italie, bientôt de la Turquie via Sète. Une ligne de non accompagné vient d'être lancée par DFDS entre Calais et Sheerness, tandis qu'une ligne similaire sera lancée en novembre par Blue Channel Line. Quel impact ce nouveau port aura-t-il sur la répartition du trafic transmanche ? Getlink a déjà fait savoir qu'il se battrait « jusqu'au bout » pour pouvoir offrir à son tour le duty free, qui promet d'être une source d'attractivité pour les passagers, et de revenus et d'emplois. « La compétition avec les ferries est inégale. Nous n’avons pas les mêmes armes », déplorait Yann Leriche, Dg de Getlink dans une interview à la Voix du Nord en juin dernier.

 

Le nouveau port en bref

65 ha de terre-pleins aménagés dont 45 ha gagnés sur la mer

Une nouvelle digue de 3km de long et 25 m de haut

4 MT de sable extraites

Un bassin de 90 ha navigable, de 800 m de large

Salariés de la SEPD : 600 personnes

Effectif portuaire lato sensu : 4 à 5 000 personnes

Investissement 863 M€

dont 188 M€ de retombées pour les entreprises régionales