Les clés de l'institut Montaigne pour l'emploi lillois

L'Institut Montaigne se penche sur le marché lillois de l'emploi. Le think tank a produit un rapport territorial volumineux. Avec une batterie de recommandations au-delà du diagnostic, pour fluidifier un marché de l'emploi marqué par des blocages et une multiplicité des acteurs.

 

L'Institut Montaigne, think tank d'inspiration libérale, s'intéresse aux territoires français. Après la Côte d'Azur il y a quelques mois, il se penche cette fois sur la situation de l'emploi dans la métropole lilloise. Autour d'un constat paradoxal : l'économie y est attractive, diversifiée et reposant sur un bassin d'emploi important, mais la situation du chômage demeure nettement plus défavorable qu'à l'échelle nationale : le taux de personnes sans emploi atteint 9,4% dans le Nord contre 7,2% au national. Avec des poches de pauvreté et de chômage bien plus importantes dans certaines zones et certains quartiers.

Depuis le grand mouvement de désindustrialisation, la tertiarisation de l'emploi s'est faite surtout au profit de secteurs à faible valeur ajoutée, souligne le rapport, qui estime que la métropole n'assume pas son identité industrielle, qui pourrait au contraire lui servir de point d'appui pour rebondir. La structuration actuelle de l'emploi «  nuit à l'attractivité du territoire et entrave sa capacité à attirer des cadres et populations hautement qualifiées ». L'Institut préconise que la MEL candidate au statut de « territoire d'industrie », et déploie du même coup le volontariat territorial en entreprise (VTE) au profit des jeunes diplômés.

L'Institut note aussi « le manque de spécialisation économique claire et de vision prospective sur l'évolution de l'emploi et des compétences ».  Plus largement, le territoire ne dispose pas d'espace de dialogue unifié et structuré pour favoriser l'appariement entre l'offre et la demande d'emploi, et anticiper les mutations. Le rapport suggère de structurer un DST (dialogue social territorial ) en vue d'adopter des accords locaux normatifs, en recourant au droit à l'expérimentation.

 

Un site d'excellence pour l'ESS

L'institut Montaigne évoque aussi l'économie informelle (légale mais exercée hors cadre juridique) qui prévaut dans certains quartiers où l'emploi traditionnel fait défaut. « Ces activités informelles créent des liens de solidarités (…) mais n'offrent pas de protection sociale. Cela contribue à accroître la précarité sur le territoire », analyse le rapport qui plaide pour structurer cette économie informelle à travers « la création collective d'activités et de projets », et notamment le recours au cadre des coopératives d'activités et d'emploi institué par une loi de juillet 2014. Dans la même logique, il préconise une priorisation de l'économie sociale et solidaire (ESS) en terme de perspectives d'emploi. Pour lui donner une nouvelle dynamique, il est suggéré de créer un site d'excellence de l'ESS, avec pour objectif de l'articuler avec les autres filières économiques stratégiques.

L'Institut Montaigne relève que les problématiques d'emploi frappent plus particulièrement certaines populations ; les jeunes (30% de chômage chez les 15-24 ans), les mères isolées, les seniors et les habitants des quartiers en politique de la ville (QPV). Avec une proportion élevée de la population active sans diplôme ou avec un niveau faible, la question de l'adéquation entre l'offre et la demande est particulièrement criante. Le rapport préconise d'orienter les jeunes vers les métiers en tension, mais aussi de travailler sur l'image encore négative de l'industrie.

 

Objectifs partagés 

L'institut Montaigne pointe aussi une faiblesse importante de la MEL en matière de gouvernance : « La pluralité des dispositifs concurrents nuit à la lisibilité du paysage des offres de service en faveur de l'emploi, tant pour les demandeurs d'emploi que pour les entreprises ». Comment résoudre l'équation ? Le think tank propose d'articuler les dispositifs existants au sein d'un Service public de l'emploi local (SPEL) rénové, autour de quelques acteurs seulement, mais aussi en prenant un échelon territorial plus pertinent que l'arrondissement, comme le bassin d'emploi. Il évoque aussi l'idée de contrats d'objectifs territoriaux (COT) tels que le Grand Est les a développés, qui permet de fixer des objectifs partagés sur une période de 3 à 5 ans. Ce SPEL pourrait aussi avoir une façade transfrontalière, alors que le marché de l'emploi est très dynamique côté flamand.

« Ce rapport n'est pas très critique. Il observe que beaucoup de choses se passent déjà sur le territoire. Mais il faut passer à une autre étape. On ne peut pas continuer avec des taux de chômage qui montent jusqu'à 30% dans certains quartiers. On devrait être bien meilleurs », estime Jean-Pierre Letartre, président d'Entreprises & Cités, associé à la démarche de l'Institut Montaigne et qui devrait mettre tout ce travail en lumière lors d'un événement programmé le 7 juin.