Philippe Brassac est venu à Lille décrypter un contexte économique chaotique

Comment comprendre notre contexte économique ? C'est à ce défi compliqué que s'est attaqué Philippe Brassac, directeur général du Crédit Agricole SA et président de la fédération bancaire française, lors d'une conférence à Lille Grand Palais le 25 avril, donnée à l'occasion du départ du président de la Caisse régionale, Bernard Pacory.

Pour cette grande figure du monde bancaire, « on n'a jamais connu de période d'une telle nature, intermédiaire, mélangeant deux extrêmes ». Les deux extrêmes auxquels il fait référence n'ont rien de politique mais représentent d'un côté une pression considérable du court terme qui doit de façon impérieuse engager le dégonflement d'une masse monétaire devenue folle durant la crise sanitaire, et celle du long terme avec ses exigences de transition, pour faire face aux enjeux planétaires mais aussi à ceux de nos sociétés : avec une problématique très rarement exposée, celle d'une population fortement vieillissante face à laquelle « le système de santé n'est pas du tout au niveau ». Philippe Brassac évoque aussi bien sûr la transition énergétique, mais aussi celle des méthodes agraires et agroalimentaires, mais encore la nécessité de fabriquer une société beaucoup plus inclusive, ceci dans un monde où la géopolitique se rappelle à notre bon souvenir et où les jeunes générations poussent très fort pour accélérer les solutions pour la planète.

En attendant, le court terme sonne à notre porte. Un court terme « incertain, chaotique » où il est impossible de mener des prévisions, explique cet ancien statisticien. « Aujourd'hui, à trois mois, vous avez toujours tout faux », sourit-il. Mais il est sûr d'une nécessité, celle de « corriger » les excès de la crise sanitaire au cours de laquelle les Etats ont mis en place des « pontages monétaires pour sauter au-dessus des confinements. Aujourd'hui il y a plusieurs milliers de milliards d'euros en zone euro qui n'existaient pas en 2020 ! » Avec un danger évident d'inflation structurelle si rien n'est fait pour dégonfler cette quantité de monnaie. « Sinon, vous avez une monnaie de singe qui ne vaut plus rien », lance crûment Philippe Brassac.

Pour autant, le directeur général de CASA écarte le risque de crise bancaire tel qu'il a pu être décrit dans les médias suite aux défaillances de la SVB puis de deux autres banques américaines, juste avant le Crédit Suisse. La SVB, banque des start up et de la tech, a subi de plein fouet le risque de taux et s'est trouvée « immédiatement très en difficulté pour cause de sous-régulation ». « Mais compte tenu des règles prudentielles (Bâle 3), ce qui s'est déclenché aux USA ne peut pas se déclencher chez nous. La crise n'est pas finie, mais ce n'est pas une crise bancaire. Les raisons des difficultés de ces banques leur sont propres.  » Mieux, non seulement Philippe Brassac affiche sa confiance sur le système bancaire européen, mais « le système bancaire français est beaucoup plus efficace que ses homologues européens », affirme-t-il, soulignant l'évolution des taux d'intérêt. En Espagne, les emprunts souscrits en avril 2019 à 2,7% sont passés à 5,2% aujourd'hui quand en France, ils sont passés sur la même période de 1,9 … à 1,9%.

Pas de crise bancaire donc, mais une phase de grande instabilité financière. Après 10 ans de baisse constante des taux pour atteindre parfois des taux négatifs, le mouvement s'est inversé. « On n'a jamais vu une remontée des taux comme ça depuis 40 ans », s'exclame-t-il. Pour autant, le représentant des banques françaises se veut placide face aux turbulences. Le Brexit devait mettre l'Union européenne à terre, puis la Covid menaçait de mettre à bas nos économies, « tout devait terminer », et finalement le système a tenu. Même les transitions de long terme, lourdes de conséquences, devraient trouver leur financement, selon lui. Mieux, « les transitions sont des futures drivers de développement ».