Philippe Lamblin : "Plus il y a de proximité, plus ça marchera"

Face à l'équation d'un chômage de masse et d'une pénurie de main d'oeuvre, les pouvoirs publics ont confié une mission ad hoc à l'ex-DRH du groupe Avril et de Lesaffre. Un an après, Philippe Lamblin en tire les premiers enseignements pour Eco121. 

Vous pilotez une mission « Emplois à pourvoir » - unique en france - confiée par le préfet de région, la rectrice de la région académique et Xavier Bertrand, qui vient d'être renouvelée pour deux ans. La mayonnaise prend-elle ?

Quand on m'a confié cette mission, je venais de prendre ma retraite de DRH du groupe Avril exercé 10 ans durant après avoir occupé les mêmes fonctions pendant deux décennies ainsi que celles de la communication chez Lesaffre. Je ne connaissais l'administration que de très loin. Or il s'avère que c'est une courroie essentielle.

Quelle est la problématique ?

Nous avons 580.000 chercheurs d’emplois (10,8%) et 200 000 projets de recrutement dans la région. Si on était les meilleurs, on ne serait pas à ce niveau quand la Flandre voisine est à moins de 4% de chômage. Pour moi, la première phase de la mission montre qu'il faut former un triptyque indissociable entre l'Etat, le conseil régional et l'Education nationale. Si vous n'avez pas les trois, il y a toujours quelque chose qui manque par rapport à la demande des entreprises.

Cette mission est unique en france et très atypique, votre méthode très directe aussi. Arrivez-vous à faire bouger les lignes ?

Je peux dire des choses que l'Etat ne peut pas se permettre. Par exemple dire à cer- taines entreprises d’adapter leur politique RH, plutôt qu'elles ne peuvent pas embaucher... Parfois, on a envie de fuir certaines entreprises, et ce n'est pas qu'un problème de rémunération. On a pu aussi monter des opérations en proximité innovantes : 5 « job dating sport » pour rassembler des employeurs et des demandeurs d'emploi, faire du sport ensemble, puis déjeuner ensemble avant d’avoir un face à face. 60% de ceux qui ont participé ont trouvé un emploi, plus de 300 sur les 500 participants. 4 autres opérations sont déjà programmées.

On a pu aussi trouver des solutions chez Bigard à Flixecourt (Somme) pour recruter 10 employés qu'ils ne trouvaient pas, grâce à une réflexion commune entre l'Association nationale des Industries alimentaires et Pôle Emploi, auprès de publics très éloignés de l'emploi.

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En l'occurrence, c'est du sur mesure; mais vos solutions peuvent-elles être duplicables ?

Nos pratiques sont totalement duplicables ! Pour les jobs datings sports, on a écrit un mode d'emploi avec une partie technique et une partie sportive modéli- sable. L'exemple Bigard est lui aussi reproductible, à travers l’outil adapté : le CLAE*. A nous de mieux le faire savoir.

Certains se plaignent d'une multiplicité d'acteurs dans l'univers de l'emploi. Et vous ?

Ce n'est pas leur nombre qui pose problème, c’est le manque de coordination et souvent le «guichet unique » pour les entreprises. A Ruitz,(62) l'usine STA (groupe Renault) connaît une forte montée en régime ; le proviseur du lycée technique voisin ne la connaissait pas. Nous nous sommes coordonnés, il a pu répondre au besoin et satisfaire la demande.

Nous avons aussi fait visiter les ateliers de l'usine Dassault à Seclin (59) à des classes de 4eme/3eme et aussitôt la section chaudronnerie du lycée professionnel Henri Senez à Hénin-Beaumont a fait le plein. Plus il y aura de proximité, plus ça marchera. Il faut ce maillage du territoire au plus près des habitants, dans lequel les acteurs doivent s’engager ensemble, avec un guichet unique pour les entreprises.

* Une certification qui apporte aux recruteurs une garantie sur les capacités des collaborateurs

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