Comité Grand Lille : Une région multipôlaire et une Eurométropole en mort cérébrale ?

Le Comité Grand Lille tenait vendredi une réunion prospective autour du thème : « quel réseau de métropoles pour les Hauts-de-France ». L'occasion pour Xavier Bertrand et Patrice Vergriete, président de la CUD et nouveau ministre du logement, de plaider pour "une locomotive Lille-Dunkerque" mais aussi de constater l'échec de l'Eurométropole.

Le Comité Grand Lille se réunissait vendredi autour d'une thématique passionnante des pôles métropolitains dans notre région, dont la dynamique est profondément bousculée par les nouveaux grands projets de méga-usines de batteries, du canal Seine Nord ou de la nouvelle génération d'EPR, parmi d'autres. Avec sur la seule agglomération dunkerquoise une cristallisation inouïe de quelque 40 milliards d'euros d'investissements à venir, à comparer aux 38 milliards d'euros du Grand Paris, a pointé Jean-Pierre Letartre, président du Comité Grand Lille, devant un parterre d'élus locaux, tels Frédéric Leturque (Arras), Brigitte Fouré (Amiens), ou Francis Vercamer (vice-président de la MEL), en l'absence remarquée de son président Damien Castelain. « Tous ces grands projets ne sont pas à Lille mais autour de Lille. La question se pose donc de savoir comment on collabore mieux entre Lille et les autres métropoles (…). Que chacun soit bien conscient qu'on est au démarrage d'une vraie transformation », poursuit-il.

 

«Vision du XXe siècle » 

 

Patrice Vergriete, président de la communauté urbaine de Dunkerque et nouveau ministre du logement, plaide pour un une nouvelle vision de l'aménagement du territoire régional. « Le port de Dunkerque est le port de Lille. La vraie métropole est beaucoup plus large que l'agglomération lilloise, je rêve de vous dire ça depuis 2014 », a déclaré l'élu littoral devant un parterre de 350 décideurs du Grand Lille, tout en regrettant que les frontiuères administratives soient bloquantes. « On n'a aucun lieu pour échanger entre nos agglomérations. Le Comité Grand Lille peut jouer un rôle là dedans. L'hypermétropolisation est une erreur. En terme d'aménagement du territoire, il faut qu'on revoie complètement notre copie, nos liens ». En question, une vision multipolaire de la région et en étoile rééquilibrée plutôt qu'un seul lien Lille-bassin minier qu'incarne l'actuel projet de RER, « une vision du XXe siècle », dixit l'élu dunkerquois.

 

Une Eurométropole en échec

Xavier Bertrand, qui rappelle les réalités économiques d'un projet de RER (9 mds €), apparaît en revanche très en phase avec son collègue du littoral. « L'avenir, la clé, c'est Lille-Dunkerque, Dunkerque-Lille, c'est cette locomotive là dont on a vraiment besoin. (...) Qu'attendez-vous pour que le Comité Grand Lille devienne le Comité Grand Lille-Dunkerque Littoral ?" a lancé le président de région aux forces socio-économiques réunies devant lui. L'occasion aussi pour l'ancien ministre de tacler vivement l'Eurométropole, avec des Belges qui défendent d'abord leurs intérêts sans manifester l'envie de vouloir participer au développement de notre région. Interrogé par un dirigeant d'entreprise sur cette vision négative, Patrice Vergriete a rajouté une cartouche. « On n'avance pas avec les Belges, on n'y arrive pas. Je crois qu'ils ne veulent pas », a-il déploré, rappelant qu'il était président du GECT (Groupement européen de coopération territoriale) depuis ses 30 ans - il en a 55 aujourd'hui- et que rien n'avance. Une prise de position qui a suscité une réaction courtoise mais agacée du consul honoraire de Belgique et représentant du port d'Anvers, présent dans la grande salle d'Entreprises & Cités, Marc Delbeke. « Dire que les Belges ne veulent pas, c'est un peu dur. On reçoit régulièrement des délégations à Anvers, pas seulement pour montrer nos gros bras, mais pour un partage d'expérience ». « Je n'ai pas l'intention de déclarer la guerre à la Belgique », a répondu avec le sourire, mais sans changer d'avis, Xavier Bertrand.

Nous reviendrons sur ce débat métropolitain dans notre prochain numéro d'Eco121. Rappelons que le Comité Grand Lille, lancé en 1993 sous l'impulsion de Bruno Bonudelle, est une instance purement informelle dont la vocation est de porter une réflexion collective et des propositions sur l'avenir et le développement de l'aire métropolitaine. Son président Jean-Pierre Letartre annonce du reste un travail de refondation à l'occasion des 30 ans du CGL, avec pour appui une étude menée avec des universitaires sur les nouveaux moteurs de la métropole. Une synthèse en sera présentée d'ici la fin d'année.