Hauts-de-France : en route vers la logistique 4.0

Aujourd'hui l'heure est aux entrepôts singuliers, XXL bien souvent, ultra connectés et équipés de robots en tout genre... Bienvenue dans la logistique 4.0 ! Aujourd'hui l'heure est aux entrepôts singuliers, XXL bien souvent, ultra connectés et équipés de robots en tout genre... Bienvenue dans la logistique 4.0 !

Automatisation, robotisation, nouvelles technologies, intelligence artificielle... la filière logistique des Hauts-de-France vit une vraie révolution. Pour préserver la pole position sur le podium national, la région et ses acteurs, dont certains devenus emblématiques, se mettent au diapason. Tour d’horizon.

Exit les espaces de stockage « boîtes à chaussures », ces cubes d’entreposage en tôle grisâtre. Aujourd'hui l'heure est aux entrepôts singuliers, XXL bien souvent, ultra connectés et équipés de robots en tout genre... Bienvenue dans la logistique 4.0 ! En Hauts-de- France, base arrière de la région parisienne, le secteur bouillonne. Autrefois pointée du doigt pour ses conditions de travail pénibles et sa faible densité en emplois, la filière est devenue l’un des fers de lance de l’économie régionale. En témoignent les investissements colossaux pour des innovations, des plateformes ou des entrepôts toujours plus imposants. La plateforme de produits frais et surgelé d’Intermarché (66 000 m2 à terme !) à Avion. Les 450 000 m2 de nouvelles surfaces attendues dans le plan stratégique « Ambition 2022 » du nordiste Log’s. Le mastodonte Décathlon logistics d'une superficie de 72 000 m2 à Rouvignies. Mais aussi les 10 ha réservés au troisième entrepôt du spécialiste des articles de maison et de jardin JJA à Croixrault près d’Amiens. Décoiffant.

La logistique en région pèse 157 000 emplois, hors intérim

(source : Nord France Invest)

« De plus en plus d’entreprises s’offrent des entrepôts dernière génération, observe le patron du pôle d’excellence régional Euralogistic Laurent Desprez. Aujourd'hui, les exigences des consommateurs et du e-commerce impliquent un certain niveau de qualité et de rapidité ». Pour faire face à la dynamique, la filière mise gros sur l’automatisation. Dans le viseur : gestion des coûts, optimisation de la productivité et, pour les employés, réduction de la pénibilité. Mais l’investissement n’est pas neutre. Toutefois, pour le directeur d’Euralogistic, les entreprises ne doivent pas considérer ces quelque millions engagés comme « une dépense superflue ». Car « quand on investit dans la logistique, c’est toujours un pari gagné d’avance ! »

Productivité et bien-être

La logistique s’industrialise considérablement. Ce n'est pas un phénomène nouveau et il n’ira pas en diminuant, estime Laurent Desprez. Fort heureusement, la première région logistique de France semble bien dotée pour relever le défi. Dans ses rangs, certains se sont fait experts des solutions logistiques complexes. A l’instar de la pépite de l’innovation à Croix, Exotec. En cinq ans d’existence, l'entreprise a fait ses preuves en réinventant l’automatisation des entrepôts. De quoi lui permettre de s’imposer dans le paysage logistique français. Bien décidée à passer la surmultipliée à l’international avec Skypod, ses robots numériques, capables de se déployer en trois dimensions et d'atteindre 10 mètres de hauteur (ci-contre). Pour alimenter ses ambitions, Exotec a entre autres ouvert une filiale à Atlanta l'an dernier. Et le Nordiste et ses 150 salariés se préparent à ubériser la logistique au Japon, en Allemagne, en Espagne et en Italie.

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D’autres ont font le pari de la digitalisation depuis de nombreuses années. A Tourcoing, Ciuch est spécialisé dans les solutions de convoyage sur-mesure depuis 50 ans. « L’innovation est primordiale. On se doit d’être toujours au fait de la tendance, raconte le Pdg Francis Ciuch. Nos solutions, complémentaires à celles d'exotec, facilitent le travail des équipes tout en réduisant leur niveau de fatigue ». « Le digital ne se met pas qu’au service du business mais aussi au service de l’environnement de travail et du bien-être des employés », confirme le directeur adjoint associé de l’activité logistique chez BNP Paribas Real Estate (lire ci-dessous). Des employés choyés certes, mais toujours aussi difficiles à trouver. « L'emploi reste un enjeu pour la région, indique Benoît Breux, responsable aménagement transport à la CCI de région et animateur Norlink. Les métiers évoluent et deviennent de plus en plus qualifiés, nécessitant de vraies compétences parfois très pointues ». La région ne peut que se réjouir du développement de l'emploi logistique. « Mais pour attirer les talents, il faut accélérer sur la découverte de tous ces métiers », conçoit Laurent Desprez.

 

 

Près de 600 000 m2 d’entrepôts dernière génération sont déjà disponibles ou prévus en région. a l’instar de ceux ci-contre attendus à e-valley à cambrai. Crédit : E-Valley

 

 

 

Chantiers XXL

La quatrième révolution logistique ne pourrait se mener sans des parcs et plateformes logistiques sophistiqués. Les anciens s'étendent, se modernisent. Comme Delta 3 à Dourges qui, grâce à la zone LD, gagne... 115 ha ! De quoi permettre l'implantation de milliers de mètres carrés d'entrepôts supplémentaires. La plateforme multimodale fera aussi évoluer ses services avec une station multi-énergie et une usine de pyrogazéification, entre autres. En parallèle, de nouveaux sites apparaissent. Comment passer à côté de l’ambitieux projet de reconversion de l’ancienne base aérienne de Cambrai ? Celle qui hébergera une véritable petite ville connectée : E-Valley. Un demi million de mètres carrés d’entrepôts dernier cri modulables, 85 000 m2 réservés aux services, la création de plus de 1 300 emplois et même, la livraison par drones... Tout un programme dédié à l'e-logistique et au commerce hybride sur plus de 300 ha. Le groupe BT Immo, porteur du projet, a vu grand pour doter notre territoire du plus important parc e-logistique d’Europe.

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Et demain, après des années à l'arrêt, le Canal Seine Nord donnera très certainement une impulsion supplémentaire. Nul doute que bien d'autres projets suivront, tant l'écosystème local est au petits soins de la filière. "Il se passe quelque chose en région. Les élus, les structures d'accompagnement et les entreprises l'ont bien compris", indique Benoît Breux. Entre autres : la fédération Norlink qui se veut "facilitatrice des discussions entre les acteurs et de la création de projets". Mais aussi Euralogistic, mobilisé pour l'innovation (lire par ailleurs), le développement des sociétés, la formation des talents ainsi que pour la promotion de la filière dans les territoires et... à l'international.

 

Maxence Maréchal, Directeur adjoint associé, activité logistique, BNP Paribas Real Estate

"La logistique est devenue une classe d'actifs noble" 

Comment se porte le marché et la commercialisation pendant la crise en cours ?

La Covid a évidemment créé du retard sur les dossiers d'obtention des permis de construire et les levées des conditions suspensives. Au premier semestre, au national, la demande placée a affiché un retrait de 44% par rapport au premier semestre 2019, qui était une année exceptionnelle. En région, elle chute de 35%. Les projets ont été très limités même si les entreprises et les entrepôts ont poursuivi leur activité. Je note quand même un point positif lié à la crise : elle a mis en évidence l'importance de la filière dans l'économie régionale et, plus largement, française. Pour preuve, les investisseurs sont prêts à miser sur des projets d'entrepôts, malgré des taux de rentabilité vraiment bas, de 4% aujourd’hui contre 7% il y a quelques années. La logistique est devenue une classe d'actifs noble.

Peut-on espérer une embellie dans les prochains mois ?

Je suis de nature optimiste et je pense que les gros investissements seront décalés dans le temps. Peut-être l'an prochain ? J'aurai tendance à espérer pour la fin d'année, mais la situation sanitaire complique de plus en plus les choses. A la levée du confinement, les sociétés de textile et de la grande distribution ont eu des besoins d'espaces supplémentaires pour faire face à l'activité, mais ce sont des contrats sur de courtes durées.

Les entrepôts poussent partout en région. Mais qu'en est-il du foncier disponible ?

Il y a un stock d'offres disponibles en région. Mais il est vrai que sur les zones dites "primes" comme le long de l'A1, c'est très compliqué en terme de foncier disponible. Et ça l'est encore plus dans d'autres grandes villes comme Lyon. Nous avons la chance en Hauts-de-France de disposer d'espaces libres, à condition de vouloir s'éloigner un peu des zones très demandées.