Les friches régionales, un gisement à haut potentiel, mais exigeant

La Chambre des Comptes vient de publier une étude sur la requalification des friches régionales. Le fruit d'une quinzaine de contrôles, riches de nombreux enseignements.

 

Nos friches industrielles et urbaines représentent plus de dix années d'artificialisation des sols. C'est l'un des constats de l'étude que vient de réaliser la Chambre régionale des comptes, s'appuyant sur ses propres contrôles de structures gérant à un échelon ou un autre la problématique des friches, mais aussi sur la base de données nationale Cartofriches. La région est historiquement la plus dotée en friches industrielles. Le seul Nord-Pas-de-Calais comptait récemment 50% des friches nationales. Aujourd'hui, il ressort un « portefeuille » de 700 sites, représentant un total de 16 000 hectares. Au rythme de consommation de ces dernières années (1 500 hectares par an), ce volume correspond à plus de 10 ans d'artificialisation (dont 55% de reconversion en logements en moyenne). A l'heure du «Zéro Artificialisation Nette» qui va peser, pour la bonne cause, sur la construction en « greenfield », autrement dit du terrain vierge, les friches peuvent donc passer du statut de point d'abcès à celui de solution de recyclage urbain.

Manque d'anticipation

La Chambre pointe les difficultés de l'exercice. D'abord, le travail de recensement et surtout de caractérisation des friches est notoirement insuffisant. Il s'agit de bien mesurer la pollution des sites et ipso facto les contraintes techniques et financières pesant sur leur réhabilitation. L'étude relève que, dans la majorité des cas, les collectivités ont manqué d'anticipation sur les besoins de dépollution. D'où des retards, des surcoûts, « voire (..) une modification substantielle du projet d’aménagement en raison de la persistance de polluants à des taux supérieurs à ceux autorisés ». L'étude cite l'opération des Grands Moulins de Paris à Marquette-lez-Lille. Un site fermé en 1989, qui avait subi « une pollution accidentelle et massive » en 1993. « Malgré le risque de pollution quasi-certain, le projet de réhabilitation de 2019 a insuffisamment anticipé et intégré le besoin de dépollution (...) ». D'où des carences parmi lesquelles la construction d'une micro-crèche dans une zone où le niveau de pollution interdit ce type de public ou le dépôt de demandes de permis de construire avant même de disposer des diagnostics sur la pollution des sols.

La Chambre préconise une identification précoce des pollutions, à travers des diagnostics puis une modélisation des coûts induits, avant de lancer les opérations. Elle en appelle aussi à l'élaboration de « plans de financement robustes », qui peuvent s'appuyer également sur de nouveaux outils nationaux comme le fonds friches (76,5 M€ versés dans 107 opérations en région). La maîtrise d'ouvrage est aussi un enjeu important dans la bonne conduite d'un projet. La régie directe suppose une ingénierie suffisante, mais la délégation ne dispense pas les collectivités de garder un pilotage stable, notamment en terme d'informations, de compte-rendus opérationnels et financiers des aménageurs.

La reconversion des friches étant un enjeu complexe, les aléas y sont courants : maîtrise du foncier délicate, état des sols, difficultés de commercialisation... Les collectivités doivent avoir la capacité de s'adapter, insiste la Chambre des comptes, citant le cas de Méricourt : devant les difficultés à commercialiser, la commune a modifié le projet au profit de logements collectifs et l'aménageur a choisi de construire lui-même la moitié des logements prévus.