Patrice Pennel, Medef Hauts-de-France : "On n'a pas vu venir cette situation"

"le problème de recrutement est désormais un vrai frein" "le problème de recrutement est désormais un vrai frein"

Aviez-vous anticipé cette situation de tension forte sur l'emploi ?

Non, on ne l'a pas vue venir. Il y a un an, on pensait qu'on ne parlerait que d'une cohorte de chômage et de dépôts de bilan. On est dans un monde extrêmement incertain. Les besoins d'embauche dans l'industrie aujourd'hui sont au double d'une année normale. Vous avez aussi deux fois plus de fins de contrats de travail que d'ordinaire. Ce qui signifie qu'il existe une surenchère sur les salaires qui crée de la mobilité. Avec les tensions sur les matières, les germes de l'inflation sont là. Dans ma propre entreprise (REG, ndlr), où nous sommes 140, nous recherchons douze personnes, et nous sommes en plus interrogés par certains de nos propres collaborateurs qui nous disent être sollicités ailleurs avec de meilleurs salaires...

Dans une région où le taux de chômage demeure à 9,4%, cette pression sur les embauches paraît paradoxale... Le rapport au travail a-t-il changé ?
La crise sanitaire n'a rien arrangé. La qualité de vie est perçue comme bien plus importante. Les gens ne vont plus se précipiter, ils regardent leurs droits aux allocations, ils prennent leur temps. La question n'est pas seulement celle de la disponibilité de la main d'œuvre mais il y a aussi une dimension psychologique et culturelle. Mais ce qui est vrai également, c'est que l'entreprise et notamment l'industrie ne fait plus rêver. L'ascenseur social, l'ambiance au travail ne suffisent plus. Et l'industrie n'est pas du bon côté du télétravail !

L'emploi devient-il un goulet d'étranglement dangereux pour l'économie et les entreprises ? Le plan de relance arrive-t-il au moment propice ?
Aujourd'hui on ne parle que de ça. C'est le sujet le plus important, devant les pénuries de composants qui, elles, ne touchent que certains secteurs. Mais le problème de recrutement est désormais un vrai frein, doublé parfois par le manque de ressources. Beaucoup d'entreprises refusent des contrats. Quant au plan de relance, je suis de nature optimiste. Il donne le moral aux chefs d'entreprise, notamment aux industriels, grâce à une dynamique très favorable à l'économie. Là où l'industrie française investissait deux fois moins que son homologue allemande, on peut espérer un rebond, avec la persistance de l'investissement même sans argent public.

 

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