RSE : une lame de fond ...et des questions

Le club des ETI de la région s'est réuni fin mars autour de la responsabilité sociale et environnementale, envahie de nouveaux labels, certifications, raisons d'être et autres B Corp. Comment éviter le « purposewashing » ?

 

"On changera le monde si on a une approche globale des choses ». Sylvain Breuzard est un des pionniers de la RSE. A la tête de l'entreprise de services numériques Norsys, l'ancien président national du CJD, aujourd'hui président de Greenpeace France, publie un ouvrage qui tente cette approche globale, avec un concept de « permaentreprise » inspiré des trois principes éthiques de la permaculture : prendre soin du sol et des hommes, se fixer des limites et redistribuer les surplus. Cet ardent pratiquant et défenseur de la RSE constate que, malgré tous les efforts déployés depuis vingt ans, la situation de la planète se dégrade et qu'il faut donc aller plus loin.

Chez Anaïk, spécialiste du marketing émotionnel (100 salariés, 50 M€ de CA), Frédéric Delloye est aussi un patron engagé. Il y a quelques années, il menait une expédition pour nettoyer l'Himalaya, récoltant 5 tonnes de déchets... Il vient de basculer Anaïk en société à mission, statut ouvert par la loi Pacte (Eco121 n°106), avec gouvernance partagée et dispositif d'évaluation. Une suite logique après avoir goûté la certification Iso 14 000 puis mené une démarche tous azimuts, depuis la suppression des suremballages à l'éco-conception en passant par le social ou les transports propres. Frédéric Delloye distingue la RSE, imposée par l'extérieur (législation, pression sociale, etc) et l'entreprise à mission. « C'est quelque chose qui vient de l'intérieur. On s'est posé la question : en quoi nos produits peuvent-ils contribuer au bien commun ? » La prochaine étape devrait être la labellisation B Corp, un référentiel très américain (avec des items sur le genre, la religion, le congé de paternité, etc) à forte connotation business. Salti (location de matériel de TP, 400 salariés, 100 M€ de CA) suit la même logique du B Corp après un long cheminement RSE. « Mon frère et moi avons été abreuvés de performance globale au CJD », sourit le co-dirigeant Jean-Sébastien Guiot. Le groupe a entamé une nouvelle démarche avec EcoVadis, sanctionnée par une médaille d'or. « Mais Ecovadis, c'est une certification, pas une communauté », décode-t-il. D'où le choix d'adopter une raison d'être et d'aller vers le B Corp, non sans questionnements. « B corp n'est pas parfait non plus, je ne sais pas si on ira jusqu'à la certification».

Planche de salut

Pour l'entreprise arrageoise Ingredia (protéines de lait, 400 M€ de CA dont 55% à l'export, 450 salariés, 1200 éleveurs) la RSE fut une planche de salut quand, en 2015, la fin des quotas laitiers et l'embargo russe entraînent l'effondrement de 40% des cours du lait et des tensions considérables avec les agriculteurs. « On a alors décidé une stratégie de valeur par la RSE et l'innovation », raconte la dirigeante Sandrine Delory. Des contacts avec le WWF aboutissent à un cahier des charges pour créer un lait 100% français, sans OGM, assurant un revenu garanti aux éleveurs et le bien-être animal. Ingredia réussit à convaincre Candia, casse les codes avec une bouteille sur fond noir, une vache jaune, reprenant le cahier des charges. Avec succès puisque ce lait, vendu 1 € le litre au lieu de 75 ct pour le lait de base, représente déjà 10% de la collecte. « On a été pionniers d'un marché qui n'existait pas», se réjouit Sandrine Delory qui réfléchit à une nouvelle étape avec un lait connecté sous blockchain, permettant au consommateur une vérification complète depuis l'éleveur.

Si beaucoup de raisons d'être ont été établies par des agences de communication, « nombre d'entreprises ont développé un vrai projet interne, pour construire une raison d'être qui fasse du sens pour les parties prenantes », pointe Catherine Saire, spécialiste de chez Deloitte.

Car si la motivation de bien des dirigeants ne fait aucun doute, gare au « purposewashing », après le « greenwashing » et le « social washing ». Aussi, la course au label et la certification n'est sans doute pas un objectif intrinsèque, estime Sylvain Breuzard. « Voyez les plutôt non comme une fin en soi mais comme une conséquence de votre projet. Il faut apprendre à avoir son propre référentiel avant d'aller en chercher d'autres ».

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