Aquanord : une pépite en difficulté administrative

Un contentieux de 2,7 M€ avec les douanes pourrait lourdement déstabiliser l'entreprise d’aquaculture spécialisée dans l’élevage de bars et de daurades premium.

 

La ferme aquacole de Gravelines n'a guère le cœur à fêter ses quarante ans l'an prochain. Après bien des vicissitudes et deux redressements judiciaires, cette société de production de daurades et de bars est pourtant repartie de l'avant en 2013 sous la houlette du petit groupe Gloria Maris, dirigé par Philippe Riera.

Un groupe qui a multiplié par cinq son activité en dix ans, pour atteindre aujourd'hui 4 000 tonnes de poissons par an, 40 M€ de chiffre d'affaires et 200 salariés. Gloria Maris compte six sites en France (Corse, Nord et Ouest) ainsi qu'une unité en Sardaigne. « C'est une filière difficile à développer », regrette le dirigeant, qui pointe notamment les avantages énormes consentis par l'Europe à l'aquaculture grecque, mais aussi « une filière sacrifiée par le journalisme d'investigation ». Or le groupe français développe au contraire une aquaculture d'excellence, très respectueuse du poisson. A Gravelines, principal site du groupe (75 salariés, 18 M€ de CA), daurades et bars sont bichonnés : faible densité dans les bassins, absence de traitement antibiotique, courants artificiels et respect des cycles de lumière pour ressembler au milieu naturel et permettre aux poissons de créer du muscle, aliments 100 %naturels et sans OGM, détaille Bertrand Ritter, directeur du site. Résultat, les poissons vont se développer pour atteindre en moyenne 1,5 kilo en trois ans.

Après les années de relance, Aquanord a dégagé du bénéfice en 2017. Si le Covid a bousculé le groupe, il a plutôt épargné l'entreprise nordiste, qui a pu basculer ses ventes des restaurants vers la grande distribution.

ÉPÉE DE DAMOCLÈS


Mais une très lourde épée de Damoclès pèse pourtant sur son avenir. Philippe Riera ne décolère pas d'un changement de règle du jeu qui pourrait coûter une fortune à l'entreprise. L'instauration de la TICFE* en 2016 a porté la taxe sur l'électricité de 2,5 € (tarif en vigueur pendant 30 ans) à 22,5 € par MW. Soit un surcoût annuel de 200 K€... Mais plus grave encore, la direction des douanes a signifié un redressement rétroactif sur ces bases, sur les exercices 2016 à 2019, soit un total de 2,7 M€. Aquanord a saisi le tribunal de Dunkerque en juin 2021, et attend le jugement le 12 décembre prochain. «On ne sait pas où on va, c'est extrêmement perturbant, et complètement délirant », déplore le dirigeant.

*Taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité

 

A lire aussi : 

La pêche régionale se cherche un avenir

"On arrive à un point de non retour", l'interview d'Olivier Leprêtre, président du comité régional des pêches

Les pêcheurs vent debout contre l'éolien offshore du Tréport

Le Crédit Maritime triple son engagement maritime et fluvial