Le CD2E développe l'intelligence solaire

Le contexte semble peu propice. La France, comme d'autres pays européens, révise sa politique de sou-tien au photovoltaïque. Un décret prévoit une nouvelle baisse – la 3e en un an – des tarifs d'achat de l'électricité solaire. En cause, un modèle économique qui profite surtout aux panneaux chinois tant la filière industrielle française est sous-développée au regard de l'engouement pour cette énergie renouvelable... et monnayable.
Mais Christian Traisnel, directeur du Cd2e qui porte le projet de plate-forme loossoise, n'en prend pas ombrage. "La décision de l’État oblige à penser un nouveau modèle économique". Il juge même le contexte "intéressant". "La réflexion est insuffisante sur le développement de cette énergie comme sur celui d'une industrie". L'enjeu – posé un peu brutalement peut-être – est donc de structurer la filière durablement (dans tous les sens du terme) et non plus sur le seul mode du "combien ça rapporte".

40% des installations sont mal montées

La ferme solaire tombe donc à pic. Issue de l'association du Cd2e avec la ville de Loos-en-Gohelle, EDF et Eiffage (dont la filiale Forclum a réalisé l'installation), elle est avant tout un outil de R&D,qui met en situation 10 technologies de cellules photovoltaïques sur des supports fixes et mobiles (trackers) qui sont autant de mini centrales. L'objectif est d'abord de démontrer qu'un ensoleillement modéré, tel que celui que connaît la région, est favorable à l'énergie solaire – les premiers résultats montrent ainsi des écarts de rendement de seulement 15 à 20% avec le Sud. Dans le viseur, le développement de compétences photovoltaïques à forte valeur ajoutée en Nord-Pas-de-Calais.
La prochaine tranche du projet, cette année, visera la manière de lisser la production sur la durée. Enersys à Arras, filiale du groupe américain leader du marché du stockage d'énergie, pourrait être partenaire. La troisième et dernière tranche, en 2012, sera axée sur les questions que soulève l'intégration au réseau de bouquets d'énergies renouvelables (solaire, géothermie, biomasse...). Or Arts et Métiers Paris Tech à Lille est spécialiste des problèmes d'injection dans le réseau des énergies renouvelables. Des partenariats propices à doper la recherche et ouvrir la voie à des débouchés industriels. Le pôle de compétitivité Team2 sera lui sollicité sur le recyclage des panneaux.
L'autre volet porte sur la formation : à destination des artisans, des bureaux d'études techniques, des architectes, des maîtres d'ouvrage... "Selon l'Ademe 40% des installations sont mal montées, justifie Christian Traisnel. Or c'est un montage optimal qui donne le bon rendement. Et puis les normes de raccordement évoluent". Formation supérieure également, en partenariat avec l’Éducation nationale, les écoles d'ingénieurs et universités. Signe encourageant, l'inauguration officielle vient d'être fixée : le 5 mai. Reste à orienter la filière vers un modèle économique durable et profitable à la région. Un sujet... brûlant.