«Nous n’avons pas bien ge?re? la croissance»

Comment Ankama a ge?re? sa croissance fulgurante ?

On me pose souvent cette question pie?ge. Les gens s'attendent a? ce que nous donnions des clefs. En re?alite?, c'est hyper complique?. J'estime que nous n'avons pas bien ge?re? le virage. Tant que nous e?tions autour de 80 salarie?s, jusqu'a? une dizaine d'anne?es, les choses e?taient simples avec un co?te? familial. Les gens n'avaient pas la sensation que nous e?tions leurs patrons parce que nous travaillions toujours avec eux. Quand nous avons grossi jusqu'a? 300 personnes voire 500 il y a cinq ans, cela a e?te? pour moi mes pires anne?es a? Ankama. Nous avions perdu cette proximite? et je ne savais plus ou? j'e?tais. Tous les jours, je croisais des gens que je ne connaissais pas. Nous n'avons pas su mettre les bons relais. Quand on grossit de cette manie?re, il ne faut absolument pas se planter sur le casting pour faire le lien entre le dirigeant et les e?quipes.

Qui de?tient aujourd'hui le capital de la socie?te? ?

Camille [Chafer] et moi re?unis de?tenons 72 %. Le groupe Media Participations qui regroupe Dargaud, Dupuis, Lombard a rachete? les parts d'Emmanuel Darras parti en 2012. C'est eux qui nous distribuent pour notre activite? e?dition et ils sont supers ! Cela faisait cinq ans que Claude de Saint-Vincent, le directeur ge?ne?ral de MP, e?tait mon mentor. Le proble?me du chef d'entreprise est de se sentir seul. De?s que j'avais un pe?pin, une ide?e, je l'appellais et il me donnait deux trois conseils. De fil en aiguille, nous avons sympathise? et ils ont investi en de?but d'anne?e.

Comment ouvrir son capital et pre?server sa culture d'entreprise ?

Ce qui est ge?nial avec Media Participations, c'est que nous avons les me?mes valeurs. C'est un groupe assez catho, je ne suis pas croyant mais nous nous retrouvons. Ouvrir le capital de ta socie?te? a? du capital risque n'est pas un bon plan. Ces gens viennent avec la volonte? de sortir a? horizon cinq ans avec cinq a? dix fois leur mise. Peu importe l'e?tat de la socie?te?. Je vois rarement des socie?te?s s'engager avec un capital risqueur et en sortir grandies. Elles sont, en ge?ne?ral, presse?es comme des citrons. Nous avons eu beaucoup de discussions avec certains. Pas des fonds re?gionaux comme Finorpa en ge?ne?ral plus doux mais des fonds parisiens agressifs et au de?part tre?s se?ducteurs. Avec un capital risqueur dans Ankama, je n'aurais plus l'animation, ni l'e?dition. Juste la partie jeu video et 100 salarie?s pour de?gager 10 a? 15 M€ de be?ne?fices par an. C'est tout ce qui les inte?resse. Ces gens la? me prennent pour un huluberlu et ne me comprennent pas.

Vous lancez un projet de second long me?trage "Princesse Dragon". Quelles sont vos attentes ?

Nous avons beaucoup appris du premier. Nous nous sommes plante?s avec le film Dofus. Ankama, c'est neuf e?checs pour une re?ussite. J'entends souvent parler de success story mais nous sommes plus habitue?s aux gadins qu'aux succe?s. Le film est sorti en fe?vrier [2016]. Trente films sont sortis le me?me jour dont Zootopie, Chocolat et les Tuches 2 qui nous a tue?. Star Wars e?tait dans les salles depuis de?cembre. Dofus n'a au final me?me pas fait 100 000 entre?es. Sur Princess Dragon, nous ciblons un public beaucoup plus jeune. Dofus visait la tranche des ados-adultes a? partir de 10-12 ans. Les gamins, a? cet a?ge, vont moins au cine?ma et les ados piratent comme des malades. Sur les sites de bittorrent, Dofus e?tait dans les trois films les plus te?le?charge?s a? co?te? de Batman vs Superman. Au bout de 6 mois, tout le monde y compris tous nos fans avait vu le film sans e?tre alle?s au cine?. Princesse Dragon sera un conte de fe?es beaucoup moins ambitieux techniquement parlant. Dofus a cou?te? 7,5 M€. Sur ce projet, nous sommes sur un budget de 4M€. Pour l'instant, il est a? l'e?tape du concept. Nous l'avons pre?sente? au Cartoon Movies. Les distributeurs sont inte?resse?s et toutes les chai?nes nous ont contacte?. Nous visons une sortie pour 2020.

Recueilli par Etienne Vergne