Aéropôle de Méaulte : Plan de vol au beau fixe

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Un avion improbable survole la campagne vallonnée de ce bout de Picardie. Avec son ventre gigantesque et son nez de dauphin, il s'agit d'un Beluga, l'avion-cargo d'Airbus. Aucune erreur de casting, ce monstre au ventre de cétacé doit bientôt atterrir sur l'aéroport d'Albert-Meaulte. A l'extrémité de ce petit aéroport, l'usine Aérolia, filiale à 100% d'EADS, et ses sous-traitants, soit le principal site industriel de Picardie. C'est en 1924 que le pionnier de l'aviation Henry Potez crée dans cette commune de la Somme une usine d'avions grâce aux dommages de guerre payés par l'Allemagne. L'activité n'a jamais cessé depuis, même si le propriétaire comme le métier ont beaucoup changé. Aerolia y fabrique désormais toutes les pointes d'avion de la famille Airbus, jusqu'au géant A380. C'est d'ailleurs la fabrication de cet appareil hors normes, dont le transport routier des segments devenait pratiquement impossible vers l'assemblage à Saint-Nazaire, qui a suscité dès 1998 une profonde réflexion sur l'avenir du site. Et entraîné un appui indéfectible des pouvoirs publics et des collectivités, conscients des enjeux. Résultat : 46 M€ pour réaliser l'aéroport (dont 5 M€ apportés par Airbus), dont la gestion est confiée depuis son ouverture en juin 2007 à Keolis. " Si on perdait l'exclusivité des pointes avant, pas la peine d'avoir fait HEC pour savoir qu'on allait dans le mur ", résume sans ambages Stéphane Demilly, député-maire d'Albert et président de la communauté de communes du pays du Coquelicot, et fils de l'ancien président du conseil général, Fernand Demilly. Les Beluga font donc désormais la navette deux à trois fois par semaine, le ventre chargé de cockpits destinés à être greffés à d'autres parties de l'appareil. Un avion équivaut à sept convois exceptionnels. En quelques années, l'usine picarde a ainsi pu monter fortement en cadence et en effectifs : les 900 salariés en CDI de 1996 sont devenus 1300 aujourd'hui. Et la production atteint des niveaux record, avec 517 pointes d'avion réalisés en 2010, tandis que le carnet de commandes atteint... sept ans!

Carnet de commandes de 7 ans

Néanmoins, un second défi majeur est arrivé après celui de l'A380 : les matériaux composites, toujours plus présents pour alléger les aéronefs. Ainsi le cockpit du futur A350 leur fait-il une très grande part, même si le métal garde sa place dans la partie frontale (notamment en protection des chocs d'oiseaux, particulièrement redoutés). "Sans le saut technologique, nous perdions les pointes avant en composite", décode Jean-Noël Dewas, responsable des relations économiques et techniques d'Aerolia Meaulte. Nouvelle mobilisation générale depuis 2006 pour sauver le site, nouveau succès. Le constructeur vient d'inaugurer fin 2010 un atelier de production composites, sur 19.000 m2 pour un investissement global de 150 M€. Au coeur du dispositif, qui monte doucement en régime : un autoclave de 7 mètres de diamètre et 14 mètres de long, autour duquel le bâtiment a été construit, mais aussi une salle blanche et un know-how haut de gamme, porté par des "compagnons" (on ne parle pas d'ouvriers).

Mais le métier des composites est nouveau pour tous les sous-traitants d'Aerolia. "C'est un nouveau métier, plus proche de la chimie et du textile que du métal", souligne Stéphane Demilly, président de la communauté de communes et député-maire (Nouveau centre) d'Albert. "Avec le conseil régional, nous avons monté un centre de transfert de technologies, qui soit un point ressources avec des chercheurs, pour accompagner et former les entreprises à l'approche des composites". IndustriLab devrait être opérationnel en septembre 2013. "Cet outil est au service de toute l'industrie picarde et pas seulement Aerolia. Au départ, on évoquait surtout la robotique et les matériaux composites, aujourd'hui on a glissé vers l'ingénierie de produits innovants et de haute technologie industrielle", relate Guy Le Bihan, responsable du projet pour l'Agence régionale de l'innovation, émanation du conseil régional. L'investissement est massif, soit 25 M€.

Industrilab s'implantera sur 10.000 m2 sur un terrain de 5 ha. Aerolia, qui a réservé 60% des surfaces, met 5 M€ dans le projet. Mais ce dernier comprend déjà une trentaine de partenaires parmi lesquels des entreprises, comme Montupet (N°2 mondial des fonderies alu pour culasses), mais aussi des établissements de formation comme l'Ecole des Mines de Douai, l'université Jules Verne ou l'UTC, ou encore des pôles de compétitivité à commencer par i-trans. Des contacts seraient avancés avec Alstom pour labelliser le dispositif plateforme d'innovation. Au total une centaine de personnes pourraient travailler dans ce temple de matière grise. "C'est une des priorités de la région, souligne Guy Le Bihan, notre industrie mécanique est troisième ou quatrième en France, mais elle perd de l'emploi. La Picardie veut protéger son industrie".

Dynamique de grappe

La collectivité a compris l'intérêt qu'elle pouvait tirer d'une nouvelle dynamique de grappe. La communauté de communes a donc décidé de casser sa tirelire pour se doter d'une ZAC de 100 ha, dont les premiers travaux débutent en avril. Un investissement considérable de 20 M€ pour la petite communauté de communes épaulée par le conseil général, mais un investissement déjà payant : Aerolia a déjà réservé 13 ha en bail emphytéotique sur la Zac "Aéropôle de Picardie". Des sous-traitants commencent en outre à se signaler pour s'implanter, dans le cadre du concept d'"entreprise étendue" défendu par Aerolia.

Le constructeur souhaite travailler avec des partenaires proches, mais qui ne dépendent pas de lui à plus de 30%. Déjà trois sociétés ont décidé de poser leurs valises : Blondel Aerologistique, qui souhaite disposer d'un centre de préparation de pièces, un "workpackage center", autrement dit un stock avancé. Aujourd'hui mal installé dans Albert, le groupe Laroche Industries, spécialiste de l'outillage industriel, va quant à lui développer ses activités dans un nouveau bâtiment de 1.300 m2. Figeac Aero, enfin, va créer rien moins que 200 emplois sur le site où il n'était pas présent, dans un bâtiment de 6000 m2. Autre projet dans les turbines : un "village Pme" porté par un promoteur privé. Le dossier ne sera lancé qu'à partir d'une pré-commercialisation de 50%. Enfin, la communauté de communes oeuvre pour attirer dans ses rets un groupe de restauration, compte tenu du potentiel désormais attractif : Albert affiche un effectif industriel de 3000 personnes, à 20 minutes de l'A1 et une demi-heure d'Amiens. "Nous avons déjà contacté quelques groupes de restauration. Ils devront construire et exploiter", explique Chantal Carton, directice du développement économique de la communauté de communes du pays du Coquelicot.

 

Grappe hydraulique et mécanique

L'Etat vient de labelliser "grappe d'entreprises" le pôle hydraulique et mécanique d'Albert (PHMA). Créé sous forme associative dès 1993, il regroupe une bonne vingtaine d'entreprises dont la moitié sont des acteurs de la filière aéronautique (à commencer par Aerolia elle même). On y trouve aussi bien Douce Hydro, spécialiste des vérins, que des professionnels de l'éolien. Parmi ses membres : Somepic Technologie, Alliance aéronautique, Betrancourt, Forest Line, Blondel, Stim Supec, Suma, ACHP... Le PHMA va bénéficier dans les prochains jours d'un chargé de mission, qui sera hébergé au siège de la communauté de communes, à Albert.

 


Un petit aéroport ambitieux

L'aéroport d'Albert-Picardie, propriété d'un syndicat mixte associant interco et conseil général, n'aurait aucun sens sans l'usine Aerolia et ses besoins logistiques. Pour autant, le territoire entend bien tirer un profit plus large de sa nouvelle infrastructure, pour laquelle l'Etat a consenti la mise à disposition de quatre contrôleurs aériens. Et de multiples projets se bousculent : implantation d'une entreprise de maintenance de petits avions, arrivée envisagée d'une école de pilotage, ouverture d'une ligne régulière Albert-Durham, près de Newcaste, pour valoriser le tourisme de mémoire très fort dans le secteur, implantation d'un hôtel Ibis pour l'accueil des touristes, mais aussi ouverture d'une ligne Albert-Toulouse, tant pour les salariés d'Aerolia que la population alentour. Un avion de 30 places pourrait ainsi être mobilisé.

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