Covid : les comptes des collectivités virent au rouge vif

Quatre mois après les débuts de la crise, on fait les comptes. Pour les collectivités, la facture sera énorme. Mais leur situation assainie offre une vraie capacité à encaisser le choc.

"Nous avons deux problèmes. La hausse des dépenses et la baisse des recettes ». La remarque est de Jean-René Lecerf, président du département du Nord, le premier par son budget et sa population. Elle pourrait être partagée par tous les patrons de collectivités, depuis les maires qui ont dû mobiliser tous leurs services pour rouvrir les écoles dans les règles sanitaires, en passant par les présidents d'intercos ou de la Région. Demain, il s'agira de venir en soutien des entreprises en difficulté et des nouveaux bataillons de demandeurs d'emplois et autres allocataires de prestations diverses. Autant dire que la Covid va laisser une facture colossale qui va essorer nos collectivités. Le conseil départemental du Nord prévoit au demeurant un budget annexe Covid dans lequel seront fléchées les dépenses exceptionnelles, dont certaines adoptées en substitution d'un Etat défaillant, et les manques à gagner. Exemple: le Nord a acheté pour 6 M€ de masques d'abord pour servir ses personnels et au-delà, vers des professions à risque notamment, comme les chirurgiens dentistes, oubliés par l'Etat. D'autres sujets comme la poussée des violences conjugales, a conduit à ouvrir des structures nouvelles. Côté MEL, les surcoûts seront différents : des chantiers nombreux qu'il faut remettre en route, avec des surcoûts, l'appui aux entreprises, la protection du personnel. Le conseil régional a lui aussi commencé à jouer les pompiers et s'attend à devoir démultiplier ses efforts vis à vis des entreprises à la peine.

Rôle contra-cyclique

Mais c'est d'abord sur les recettes que la crise sanitaire aura l'impact le plus fort. Les départements anticipent une chute de 30 à 50% de leurs DMTO (droits de mutation à titre onéreux, les « droits de notaire »). Le Nord s'attend, lui, à une chute de 120 M€ en 2020 (-30%) sans guère de visibilité pour 2021. Jean-René Lecerf s'attend à des DMTO « convenables », avec un recul du marché de bureaux que pourrait compenser celui des logements, perçus comme une valeur refuge. Pour laMEL, même soupe à la grimace : Damien Castelain évoque une perte de recettes globale pour 2020 de près de 65 M€. Une vraie hémorragie dûe majoritairement au versement mobilité, lié à la masse salariale. Mais avec une philosophie claire. « Nous acceptons de dégrader fortement notre épargne sur 2020 pour encaisser le choc et jouer l'amortisseur financier. On se dit qu'un euro dépensé aujourd'hui en soutien aux entreprises est un euro qui nous permet d'éviter des pertes de recettes futures », décode le président de la MEL, qui fixe sa ligne rouge à l'épargne nette nulle.

Côté Région, on ne communique aucune information précise. Car la situation s'affine au jour le jour et donnera lieu à une séance budgétaire ad hoc fin juin. Seule certitude, les recettes vont boire le bouillon. Toutes les lignes sont affectées : TICPE (taxe sur les carburants), TVA, CVAE, taxes sur les cartes grises vont plonger. Au plan national, les régions s'attendent à perdre de 1,9 à 3,8 milliards au titre de la seule CVAE (sur la valeur ajoutée)... Heureusement, les collectivités avaient notablement assaini leurs finances. De quoi encaisser l'impact et jouer un rôle contra-cyclique. Le Nord, qui avait failli passer sous tutelle préfectorale il y a cinq ans, a ramené son endettement à 4,5 années de remboursement. La Région à 6,5 ans. Le levier de l'emprunt pourra donc jouer. Les banques se pressent d'ailleurs. « J'ai plus d'offres que de demande, autant de France que de l'étranger », se félicite Jean-René Lecerf, qui entend booster l'investissement en anticipant certains chantiers comme la reconstruction de collèges, ou les programmes routiers. L'autre levier est celui des économies. Celui des impôts, lui, est totalement écarté par tous. En tout état de cause, « il y aura un avant et un après covid », reconnaît une spécialiste des finances locales : les plans pluriannuels et autres projections planifications ont bel et bien volé en éclats.

 

Le regard de l'expert

« Je ne suis pas inquiet »

« La crise devrait entraîner un recul du PIB de 10%. Or une part des recettes des collectivités est liée à l'activité économique. Il y aura sans doute un rattrapage, avec un décalage de perception, mais pas intégral ». Pour Patrick Marcilly, directeur du pôle développement des territoires au Crédit Agricole Nord de France, les collectivités seront bien sûr impactées. Au premier rang figure la Région, de par sa compétence économique, et par son soutien aux entreprises. Les départements risquent aussi d'être touchés, estime cet expert, « car les dépenses d'aide sociale vont croître avec la fragilisation des ménages, comme l'aide à l'enfance, le RSA etc », sans compter les Ehpad. D'autant que les conseils départementaux ont déjà fait des efforts en direction des entreprises via le raccourcissement des délais de paiement aux fournisseurs, ou une logique très bienveillante vis à vis des subventions versées aux événements annulés. D'autres échelons seront touchés par la perte des taxes de séjour à l'instar des villes et EPCI balnéaires, mais aussi les redevances sur les casinos. Le choc va en outre se prolonger sur 2021 et 2022 puisque nombre d'impôts sont perçus en année n+1 et n+2, comme la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises.

Pourtant cet effet ciseau spectaculaire n'alarme pas Patrick Marcilly. « Je ne suis pas inquiet. Les événements sont arrivés à un moment où les collectivités étaient solides, avec une dette en recul, une maîtrise du fonctionnement et une capacité d'autofinancement croissante. Les collectivités ont une bonne capacité à rembourser les emprunts ». En revanche pour lui, « la fiscalité a atteint partout le seuil d'acceptabilité ». Selon lui, l'Etat a pris conscience du rôle clé des collectivités pour la relance. « Les projets de lois de finances rectificatives vont intégrer des dispositifs pour aider les collectivités à amoindrir le choc », anticipe-t-il.

 

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