André Dupon ; " Je me damnerais pour un Faust ! "

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Qu'est-ce qui vous faire courir ?

C'est une envie irrépressible de me sentir exister. Et une revanche à prendre sur ma propre histoire. J'ai eu une enfance très difficile, du Zola ! J'ai travaillé sur moi, vaincu mes peurs, et ça m'a rendu boulimique de la vie.

Et dans vos loisirs, où vous précipitez-vous ?

A l'Opéra ! Je suis tombé dedans à 15 ans avec la Flûte enchantée de Mozart, un opéra initiatique. Aujourd'hui j'en vois 25 par an et je suis devenu un vrai puriste ! C'est un art si complet. On peut voir une Traviata vingt fois et ce sera toujours différent. Je suis abonné à l'Opéra de Lille, je serai demain soir à l'Opéra Bastille pour Rigoletto de Verdi dans une mise en scène de Jérôme Savary, mais je suis capable d'aller à Londres, Salzbourg, Milan ou au Metropolitan Opera de New York. Je me damnerais pour un Faust !

Êtes-vous râleur ou plutôt conciliant ?

Ni l'un ni l'autre. J'aime trop les autres pour fonctionner à la colère, mais je ne suis pas non plus conciliant. Plutôt déterminé, et impatient, donc parfois difficile à vivre pour mon entourage... C'est le prix de mon énergie ! Je dévore la vie à pleines dents, je trouve les jours trop courts, les nuits trop longues, j'ai une peur panique de l'ennui ! Alors mon impatience frise parfois l'intolérance, mais je travaille l'écoute. Malraux disait qu'il faut 60 ans pour faire un homme. A 55 ans, je m'en approche !

Quand vous n'êtes pas à l'Opéra, où faites-vous l'école buissonnière ?

Ma passion absolue, c'est l'Afrique. L'Afrique de l'Ouest. Elle est la mère que je n'ai pas eue. C'est un chantier humanitaire à 14 ans au Sénégal qui m'a permis cette rencontre. Depuis, j'y suis allé plus de 30 fois. Le Bénin, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Guinée... ce territoire m'a envoûté. J'y ai emmené mes enfants, ma famille, j'ai même appris le dialecte fon. Et je pige pour Jeune Afrique !

Qu'est-ce qui vous attire tant en Afrique ? "L'Afrique est la mère que je n'ai pas eue" André Dupon

C'est un rapport différent à la terre, aux autres, au temps... On est au plus près du sens des choses, de la grandeur de l'homme. L'Afrique m'apaise, je m'y sens différent, j'y grandis, j'y échappe à ma condition. C'est en Afrique que je cultive mon humanité.

Avez-vous un objet fétiche ?

Oui, et c'est encore à l'Afrique que je le dois. C'est une statuette rare du Pays Dogon, une tête de femme peule en bronze trouvée sur un marché au Mali, et que le musée du quai Branly a voulu m'acheter. Mais je ne m'en sépare pas, elle m'accompagne sur mon bureau. Quand j'ai un souci, du vague à l'âme, elle me réconforte.

Aimez-vous les plaisirs de la table ?

En bon épicurien ! Mais pour moi, ils sont totalement liés à ceux de l'esprit, partagés autour d'un bon repas. Comme hier pour mon anniversaire. J'ai d'ailleurs reçu en cadeau un stage d'oenologie, ils m'ont vraiment surpris !

Qu'est-ce qui vous exaspère dans la vie ?

Au plus haut point, c'est le pessimisme. Et nous battons les records en France. Je veux bien être pessimiste sur le diagnostic du chômage, de l'exclusion, la crise de la dette, le véto de la Chine et de la Russie à une condamnation de la Syrie... mais je suis optimiste dans l'action, je veux agir !

Et qu'est-ce qui vous émerveille ?

L'énergie d'entreprendre. Je crois en l'homme et en rien d'autre. Et il y a des gens capables de trouver en eux-mêmes les moyens de leur rédemption. Comme Nicolas, un jeune de 28 ans à la vie personnelle très dure, juste embauché ; son parcours chez nous vaut tout l'or du monde. Ces combats me touchent comme au premier jour, comme un enfant.

Que conseilleriez-vous à un jeune qui vient d'avoir son bac ?

Je lui citerais Voltaire : " Sois un feu qu'on allume, non pas un vase qu'on remplit ".

Nota: Le groupe Vitamine T qu'il préside regroupe 14 entreprises d'insertion par l'activité économique, qui emploient 3 000 personnes.

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