Denis Dauchy (Edhec) : “On ne retrouvera pas la structure d’emploi d’il y a 30 ans”

Denis Dauchy, professeur en stratégie d'entreprise et directeur de l'executive MBA de l'Edhec. Denis Dauchy, professeur en stratégie d'entreprise et directeur de l'executive MBA de l'Edhec.

Réindustrialisation et relocalisation sont des termes à la mode. Comment les entreprises s’adaptent-elles au mouvement ?

Il y a une vraie tendance. Mais attention, le mot réindustrialisation est un piège. C’est surtout une néoindustrie - une nouvelle industrie - que l’on voit émerger, impulsée par les nouveaux acteurs. Contrairement à l’industrie que l’on a connue il y a plusieurs décennies, celle-ci n’est pas affaire que de coûts comparés mais plutôt de valeur ajoutée. Aujourd’hui, le marché est défini par le renouvellement de l’offre, la re- cherche de toujours plus d’authenticité et par le besoin de nouvelles chaînes de valeur. Tous les secteurs d’activité sont en quête de nouvelles ingénieries.

Est-ce cela la « réindustrialisation » : une industrie 4.0 ?

L’industrie 4.0 cache beaucoup de choses, avec des réalités très différentes selon les secteurs. Elle demande du cash, mais aussi des modes de raisonnement nouveaux. Généralement, on retrouve ces nouveaux raisonnements chez les jeunes entrepreneurs. Ce sont eux qui les inventent. Il y a une nécessité à ce que les entreprises historiques, traditionnelles, se transforment.

Donc, la réindustrialisation prendra racine au sein de filières émergentes...

Ce sont les nouveaux acteurs qui poussent les historiques à se bouger, clairement ! Et c’est visible dans toutes les filières ; le textile, l’agroalimentaire, le retail, etc. Les règles du jeu changent. Les anciens doivent engager des changements de pensée, parfois dans la douleur. Certains ont bien du mal à adopter une nouvelle vision de leur business. Pour autant, rien n’est tout blanc ou tout noir. Je pense que demain plusieurs modèles économiques co-existeront.

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La France a-t-elle le terreau favorable au rebond industriel ?

Dans notre pays, nous avons une culture assez bien centrée sur l’innovation. Le bémol est que les budgets alloués sont moindres que ceux observés dans des pays voisins. L’Allemagne, par exemple, investit beaucoup dans sa R&D. Côté entrepreneurial, il y a des choses assez positives en France. Mais il ne suffit pas d’être un pays de start up, il faut aussi être un pays de scale-up. C’est-à-dire savoir accompagner le développement de jeunes pousses et réussir à les garder dans notre pays.

Notre région souffre de carence en terme de R&D. Peut-elle, malgré tout, tirer profit de son passé industriel pour relever le pari de la réindustrialisation ?

Je suis plutôt optimiste. Les Hauts-de-France ont su accueillir de nouvelles filières, même très éloignées de son passé industriel. Mais qu’on se le dise, on ne retrouvera pas la structure d’emploi d’il y a 30 ans. Pour autant, nous avons tout ce qu’il faut pour le développement de la néo-industrie sur notre territoire : le positionnement géographique, le bassin de population, la culture entrepreneuriale. Il existe de vrais réseaux officiels d’entrepreneurs et d’accompagnement de dirigeants nordistes. Ils ne sont pas toujours très visibles, c’est dommage !

Cette culture de la discrétion propre à notre région...

Exactement ! Certains n’ont toujours pas compris que ça devient de plus en plus anachronique. Le « vivons heureux, vivons cachés » est mort ! Le marché demande et demandera toujours plus de transparence sur la provenance des produits, le sourcing, etc. Toutefois, attention aux extrêmes : le secret n’est plus de mise, tout comme la communication à paillettes à outrance.

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Les Hauts-de-France font feu de tout bois sur plusieurs sujets ; réindustrialisation, rev3, intelligence artificielle... Comme expert en stratégie, qu’en pensez-vous ?

Il faut savoir être résilient, sans se dis- perser. Mais il faut aussi éviter d’être concentré sur un seul et unique secteur. La bonne stratégie est d’avoir un mix, ne pas hésiter à créer des ponts entre des activités historiques. On a de bons exemples en région, comme le rapprochement des filières santé et agroalimentaire. Et tout cela n’est pas en contradiction avec le développement de nouvelles technologies !

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