La région invente les matériaux du futur

C'est chez nous qu'est née une peinture anti-graffiti, un cristal sans plomb, chez Arc (le Kwarx), ou encore un composite capable de polymériser à la lumière, le photoBcure (Mäder). C'est chez nous qu'est née une peinture anti-graffiti, un cristal sans plomb, chez Arc (le Kwarx), ou encore un composite capable de polymériser à la lumière, le photoBcure (Mäder).

Le fait est peu connu : notre région est une vraie terre d’innovation en matière de matériaux. Ce n'est pas un hasard si c'est dans les Hauts-de-France qu'est né le pôle de compétitivité des matériaux Maud, devenu Matikem, fusionné depuis deux ans avec le pôle textile UpTex pour devenir Euramaterials. Tout un écosystème d'écoles, de laboratoires, d'incubateurs, d'accélérateurs et d'entreprises bouillonne pour découvrir de nouvelles fonctionnalités, de nouveaux pro duits, avec quantité de start up en quête du bon concept, souvent à la croisée des enjeux économiques et écologiques : gagner du poids, du temps, de l'énergie, du carbone, de la recyclabilité, et bien sûr des avantages compétitifs. Dans le passé, c'est chez nous qu'est née une peinture anti-graffiti, un cristal sans plomb, chez Arc (le Kwarx), ou encore un composite capable de polymériser à la lumière, le photoBcure (Mäder). Autant de découvertes qui n'ont pas toutes abouti, mais qui démontrent la vigueur de la créativité et la puissance disruptive qui se cachent derrière les murs de nos entreprises. 

Eco121 met en lumière dans ce numéro 10 matériaux de demain issus de la matière grise régionale. Textile déperlant anti-tâche, alternative végétale au cuir, films d'emballages en papier ou barquettes en cellulose et en lin, en substitut au plastique…

Focus sur dix projets à haut enjeu.

1 - Le textile anti-tâche 

Il est apparu confectionné en chemise, en robe ou en jupe, sur les podiums de la Fashion week de Londres mi-septembre. Depuis sa commercialisation fin 2016, le tissu d’Induo a déjà parcouru bien du chemin, tout en gardant ses racines au CETI à Tourcoing. 

Sa spécificité : être 100% coton mais surtout déperlant et respirant. Il a déjà séduit des enseignes nationales et mondiales de prêt-à-porter (Galeries Lafayette, IKKS, Devred,...), mais aussi des ateliers de confection sur mesure et des créateurs d’uniformes professionnels. 

Pendant sa phase de R&D, « longue et très coûteuse », avoue la co-fondatrice Pauline Guesné, la société Induo a misé sur l’accompagnement - d’EuraMatérials et de l’EN- SAIT entre autres - pour transformer l’essai. Pari relevé : à ce jour, beaucoup ont essayé mais « personne n’a encore réussi à avoir un produit comme le nôtre ! », se félicite Pauline Guesné. Le tissu d’Induo a déjà conquis 25 pays. L’export représente la moitié du chiffre d’affaires, tenu secret, de l’entreprise. Celle-ci emploie une dizaine de salariés et s’annonce en recrutement « très actif » pour son prochain challenge : la fin de vie du produit, et notamment le recyclage.

2 - Un faux cuir à base de fruits

Proposer une alternative 100% végétale au cuir, sans ajout de produits chimiques : tout un chantier ! La jeune pousse Vegskin s’y attèle depuis sa création en janvier 2020 à Wattrelos. Ses fondateurs, Loïc Debrabander et Anaëlle Picavet, ont mis au point une recette à base de bananes et de mangues, entre autres, impropres à la consommation. Une matière biodégradable résistante, tout en restant souple. 

Les trentenaires sont en pourparlers avec plusieurs industriels dont certains acteurs de la maroquinerie. D’ici à 2022, le groupe familial Baudelet Environnement fournira à Vegskin une centaine de tonnes de bananes destinées à être valorisées pour alimenter une pré-série. Cela représente pas moins de 9 000 m2 de matière. A terme, la jeune société espère devenir le fournisseur de matière végétale des secteurs de la maroquinerie, des chaussures, de l’habillement, ou encore de l’industrie. 

3 - Une nouvelle molécule haute sécurité

Optical Variable Material. C’est le nom de la technologie de la Pme, très adepte de l’anglicisme, Crime Science Technology (CST). Crédo de cette société, créée il y a 11 ans à Loos : la protection et l’authentification des documents d’identité. Elle repose sur une innovation moléculaire aux propriétés optiques et résistantes à la chaleur. OVM peut être injecté sur un film plastique ou dans une encre pour donner une couleur spécifique à, par exemple, une carte d’identité ou un permis de conduire. L’innovation réside dans le changement de couleur du support, visible à l’oeil nu en 5 secondes, selon la lumière ambiante ou l’arrière-plan (voir photo). Brevetée et unique au monde, OVM est produite en interne, dans les labos CST, puis transférée chez l’industriel pour application. Elle est aujourd’hui déployée à l’échelle mondiale - sauf en France, malgré toute l’opiniâtreté de Cosimo Prete, fondateur de CST, qui a ouvert son capital à Covestro début 2020. OVM sécurise certains titres d’identité aux Etats-Unis, mais aussi dans plusieurs pays d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Prochaine étape pour CST et ses 12 salariés : sécuriser les billets de banque.

4 - Le Cycle Pack, un emballage papier 100% recyclable

Comment éviter le plastique dans l'emballage de produits alimentaires ? C'est d'une petite Pme du Douaisis que va peut-être venir une partie de la solution. Malengé Packaging, à Flers-en-Escrebieux (20 salariés, 4,5 M€ de ventes), aura mis six ans et dépensé 0,7 M€ à développer son « cycle pack », un papier issu de fibres vierges, traité par un procédé très innovant, dont le brevet est en cours de dépôt, afin d'offrir l'effet barrière indispensable contre l'oxygène, l'eau, les graisses... Ce film n'est utilisé que pour les produits secs, mais ni pâteux ni liquides. Malengé imprime ensuite et livre les bobines de film ou même les sachets directement. Les formats vont de quelques grammes à 500 grammes et bientôt au kilo. Le prix de cet emballage vert est 20 à 30% plus cher que ses équivalents en polymères, mais la demande explose, y compris de la part de très gros acteurs, et vers de nouveaux secteurs comme la parapharmacie ou le bricolage. La société vise un doublement dans les trois ans, sans lever le pied de l'innovation, notamment pour aller vers le biosourcé.

5 - La barquette alternative 100% recyclable

Savez-vous comment se dit « durable » en espéranto ? Daurema. C’est le nom d’une jeune entreprise de Neuville-en-Ferrain, dont c’est le cœur du projet : proposer des barquettes 100% biosourcées, recyclables et compostables, en alternative au plastique. Pensé initialement avec des drêches de brasserie, un procédé trop coûteux, le projet débutera avec une production en fibre de cellulose (qu'on trouve dans le bois) avant d'y adjoindre rapidement des anas de lin : un mélange à 30% au minimum, voire 50% à terme. Avantage : la ressource est locale, au cœur de l'économie circulaire. Avant de s'orienter vers les usages alimentaires, qui exigent de nombreuses certifications pour les effets barrières, les produits Daurema pourront servir différentes applications dans l'univers de l'emballage. Daurema va passer de la phase R&D à la phase industrielle dès juillet prochain : une unité capable de produire 30 à 50 millions de barquettes sera installée à Wattrelos, pour un investissement de 4 M€. Une levée de fonds de 0,4 M€ est en phase finale, annonce Frédéric Salomon, directeur général et associé.

6 - Du pare-Brise au carrelage 

Cette table basse en carrelage vous paraît ordinaire ? Elle est réalisée à partir de pare-brise usagés. C'est une des inventions d'Etnisi, société lilloise spécialisée dans le recyclage et la valorisation de matières usagées en objets design. Etnisi retraite les éclats de verre avec des pigments blancs ou bleus, de la poussière de verre, et du liant. Déjà présent dans la gamme de la Camif, on trouvera ce produit, aussi décliné en plan de travail, carrelage ou pot à bougie en grande surface de bricolage dès 2022. 

La société d'Espérance Fenzy avait fait parler d'elle dans le grand public avec ses produits réalisés à partir des coquilles de moules de la braderie. Elle monte fortement en régime, avec une production décuplée l'an dernier (2 tonnes/jour) et vise une levée de fonds prochaine d'1 M€. Créée en 2017, la start up de l'économie circulaire emploie 14 salariés.

 

 

 

7 - Des cabines de train en lin

Des cabines de train allégées de 20% : c'est le pari gagné de Stratiforme. La PME de 220 personnes (22 M€ de CA), spécialiste en matériaux composites, a intégré en 2017 un consortium avec Alstom, puis trois ans plus tard avec la SNCF, afin de remplacer la trame en fibre de verre par du lin. L’allègement des trains est une condition clé de réduction de leur consommation d’éner- gie. Au-delà des cabines, l’entreprise travaille désormais sur d’autres pièces, éléments de plafonds ou « jupes » extérieures par exemple. « Nous sommes entrés dans la dernière phase de validation technique », se réjouit Guy Leblon, PDG de Stratiforme, qui a investi près de 0,4 M€ dans ce programme. L’entreprise mène également des recherches, avec Arkema et Airbus, sur de nouvelles résines sans styrènes, moins nocives pour ceux qui les emploient et plus aisées à recycler.

Photo : La cabine de droite est réalisée à partir de panneaux de lin. 

8 - Du Bois issu de drêches de Brasserie 

En créant, en 2020, sa société Instead, Franck Grossel a marié ses deux passions : l’ébénisterie et la science du brassage. Le jeune entrepreneur a planché deux ans sur la mise au point de panneaux d’agglomérés fabriqués à partir de drêches provenant de brasseries locales. Épaulé par Hauts-de-France Innovation Développement, l’ébéniste de formation a finalisé un aggloméré composé à 98% de drêches, donc sans solvant ni formaldéhyde, mais tout aussi solide que les matériaux traditionnels utilisés dans l’industrie d’ameublement. « Le sucre naturellement contenu dans les drêches constitue un excellent liant. Le problème principal à résoudre a été celui du démoulage, pour lequel une formulation spéciale a été mise au point », détaille Franck Grossel. 

Grâce à un industriel de l’Aveyron, spécialisé dans la fibre de bois, Instead a débuté la fabrication de sa première gamme, des tabourets dont le laquage est issu du recyclage de poudres époxy, destinées à l’incinération. Conçus pour être simple à fabriquer, donc sobres en énergie, dessinés pour optimiser le transport et faciliter l’assemblage, ces tabourets sont entièrement recyclables. Instead planche déjà sur de nouvelles gammes et envisage une première usine dans les Hauts-de-France.

9 - Un béton végétal, robuste et recyclable 

Obtenir un béton léger et fabriqué à base de ciment et de granulats de chanvre : c’est le projet sur lequel l’école d’ingénieurs IMT Nord Europe planche depuis quelques années.
Aujourd’hui, l’école passe la seconde. Elle s’intéresse désormais au développement d'autres filières (le lin ou encore le colza) et à la fin de vie de son béton végétal. « Comment pourrait-on récupérer ce béton à la déconstruction ? Sa recyclabilité est la question centrale d’un projet de recherche démarré récemment », indique Didier Lesueur, directeur du centre d’enseignement, de recherche et d’innovation Matériaux et procédés de l’IMT. En parallèle, l’école cherche à rendre son béton végétal plus robuste, en plus de ses performances d’isolation. A ses côtés, les centres techniques dédiés aux matériaux à faibles impacts environnementaux FRD et Codem, des entreprises du BTP, mais aussi des cimentiers tel Velkia. L’ambition affichée de l’IMT Nord Europe : séduire prochainement des constructeurs. A bon entendeur... 

10 - Un revêtement cuisson ultra-résistant 

Résistant à l’abrasion, aux très hautes températures et à la durée de vie presque doublée : voici comment SASA, l’un des leaders mondiaux des supports de cuisson rigides anti-adhérants et équipements pour la boulangerie industrielle et professionnelle, présente sa toute dernière innovation, Infinium One. Breveté mondialement, ce revêtement hybride en polymère fluoré rugueux est né d’une combinaison de plusieurs technologies pour créer une surface micro-texturée. Il a nécessité deux ans de R&D et a été testé chez plus de dix industriels et approuvé par des partenaires de SASA, dont Lesaffre. Commercialisé fin octobre dans une vingtaine de pays, le nouveau revêtement est destiné à la cuisson de produits soft type buns, hot-dogs ou brioches.

> A lire aussi : Olivier Varlet (EuraMaterials) : "Dans l'univers des matériaux, les possibilités sont infinies !"

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