Innovation : trois pôles de compétitivité sous surveillance
L'Etat a relabellisé nos sept pôles régionaux. Mais Aquimer, Team2 et Picom doivent remplir « certaines conditions » - sans précisions - dans l'année qui vient pour être prolongés.
« C'est plutôt une bonne nouvelle, on craignait que certains pôles passent à la trappe ». Karine Charbonnier, vice-présidente du conseil regional Hauts-de-France, ne cache pas un certain soulagement après le communiqué de Matignon annonçant la relabellisation de tous nos pôles de compétitivité régionaux. Tous, avec une évolution notable, la fusion de deux d'entre eux, le pôle textile UpTex et son homologue des nouveaux matériaux, Matikem. La fusion formelle aura lieu en juin avec la naissance officielle d'EuraMaterials. Il gagnera en taille critique, avec une équipe de 20 personnes, mais aussi l'adjonction d'un club d'entreprises et d'un incubateur. Et une ambition nouvelle, devenir « le pôle nord-européen référent des nouvelles industries de transformation des materiaux ». « En mêlant les deux, on aura une belle machine de guerre pour nous aider dans une logique de réindustrialisation régionale », se félicite Guillaume Delbar, vice-président à l'innovation et la recherche à la MEL et vice-président de la Région.
Les autres pôles ne sont pas tous logés à la même enseigne. Trois sont renouvelés pour quatre ans sans autre forme de procès, i-trans, NSL et le picard IAR, dévolu à la bio-économie. « Nous continuerons notre mobilisation au côté de l'etat et des régions afin de faire de la France Le leader européen de la bioeconomie par l'innovation et l'industrialisation », se félicite son président Yvon Le Hénaff.
Même satisfecit chez Nutrition Santé Longévité, où l'on souligne que ce label valide la pertinence de la fusion avec le Clubster santé, mais où on indique aussi la volonté forte d'élargir le champ du pôle bien au-delà de la définition initiale très restrictive.
Epée de Damoclès
La situation est plus complexe pour 3 pôles qui n'obtiennent le sésame que pour un an, à charge pour eux de remplir « certaines conditions » - sans préciser lesquelles - pour obtenir une extension de trois ans. Officiellement toutefois, l'optimisme prévaut.
« Nous devons aller au bout de la fusion avec ecopal (association de developpement de l'écologie industrielle à Dunkerque, ndlr), ce qui devrait intervenir en juin-juillet. Dès que la fusion est faite, on passe à quatre ans », veut croire Christian Traisnel, du pôle Team2 (économie circulaire). Lequel est d'autant plus confiant que le pôle figure nommément au titre de deux comités stratégiques de filière créés par le gouvernement en juin 2018, le premier sur le recyclage, le deuxième sur la mine et la métallurgie. Team2 est en outre engagé dans des projets très stratégiques, dont l'un avec ArcelorMittal à Dunkerque. Un dispositif unique au monde sera mis en place pour valoriser les boues des hauts fourneaux (pour un investissement de plus de 15 M€).
Picom, le pôle des industries du commerce, doit lui aussi franchir le cap de l'année probatoire. « Ils sont en train de bâtir une très belle stratégie. Le commerce et la logistique au-delà sont un de nos points forts en région, ce sont plusieurs centaines de milliers d'emplois, c'est fondamental », défend Karine Charbonnier, convaincue par la perspective de rapprochement avec le pôle francilien Cap Digital. « Je veux réaffirmer que le retail reste une priorité métropolitaine et régionale indiscutable », martèle de son côté Guillaume Delbar qui compte rencontrer les responsables de Picom au plus vite pour se donner de nouvelles ambitions...
CDD d'un an aussi pour Aquimer
Aquimer, à Boulogne-sur-Mer, est aussi labellisée pour un CDD d'un an. Son directeur Thierry Missionnier se veut confiant. « Nous sommes satisfaits d'être labellisés pour un an ! Nous ne sommes pas désespérés, il n'y a pas d'équivalent comme nous en Europe. » Durant cette année d'observation, le pôle ne prévoit pas de stratégie particulière. Il mise surtout sur la poursuite de son développement en Europe (17 projets inscrits dans trois politiques européennes) pour garder son label. « L'ouverture sur l'Europe fait partie des critères demandés par l'Etat, et nous n'avons pas attendu l'audit pour cela. Nous nous impliquons à l'échelle européenne depuis deux ans déjà », explique Thierry Missionnier. Qui avoue ne pas avoir reçu une liste précise des conditions à remplir permettant la prolongation du label. Et qui souligne la nature du secteur maritime, constitué de TPE et de PME. « C'est impossible pour nous d'avoir la même taille et le même poids qu'un autre pôle qui dispose de grands groupes dans sa filière ».
Rendez-vous dans moins d'un an pour voir si l'Etat accorde les trois derniers feux verts.
Olivier Ducuing et Julie Kiavué
Sourires de façade et grincements de dents
Derrière l'examen réussi ou en cours de probation de nos pôles, l'heure n'est pourtant pas à l'euphorie, très loin s'en faut. Hors micro, quelques langues se délient. Au-delà du délai plus long que prévu de l'Etat à rendre sa copie, les pôles de compétitivité ont mobilisé de façon intense leurs équipes depuis des mois en-dehors de leur cœur de métier pour trouver des voies de rebond et s'inscrire dans les clous administratifs de la nouvelle feuille de route. Or, dans le même temps, plusieurs experts soulignent que l'Etat, en pleine disette financière, n'est déjà plus à même d'honorer ses engagements du Fonds Unique Interministériel (FUI) qui finance les gros projets collaboratifs. « Il n'y a pas d'argent, les entreprises ne sont plus payées. Les boîtes arrêtent les projets », déplore l'un des protagonistes régionaux, qui relève que le label de pôle perd de son intérêt dès lors qu'il ne permet plus un accès privilégié à des financements. L'Etat a sanctuarisé une enveloppe nationale de 18 M€ pour l'animation de l'ensemble des 56 pôles.
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