Jeumont Electric retrouve la voie d'eau

28/05/2020 Olivier Ducuing Entreprises

Le rotor et son sarcophage, soit 300 tonnes, embarquait à bord de la barge Fortutido le 18 mai dernier

Jeumont. Après trois ans de travail, l'industriel nordiste a livré un rotor de 1300 Mw, du poids d'un Airbus, à la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, par la voie d'eau.

300 tonnes : c'est le poids du rotor de 1300 mégawatts et de son sarcophage (photo) que Jeumont Electric a reconditionné dans son usine de Jeumont, depuis 2017. Un équipement stratégique pour son client EDF puisqu'il s'agit de la pièce tournante d'un alternateur de production de grande puissance de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Cher. Il s'agit du premier rotor de 1300 Mw d'une série de trois que Jeumont va rebobiner, autrement dit remettre à neuf. Mais l'équipement présente des volumes hors normes, qui rend son acheminement par route impossible. Le chemin de fer eut été possible mais seulement de nuit, car il faudrait neutraliser de nombreuses voies sur de multiples aiguillages, avec une logistique particulièrement complexe. C'est donc le choix de la voie d'eau qui a été retenu, et qui était d'ailleurs contractuel avec EDF, soucieux comme Jeumont Electric de réduire son empreinte carbone. Pour cela, il fallait rendre la Sambre à nouveau navigable. Elle l'est côté belge – l'usine est sur la frontière- et c'est par là qu'est passée la barge Fortitudo (photo), capable de naviguer sur les canaux Freycinet à petit gabarit, pas encore côté français. Plusieurs industriels dont Jeumont ont dit tout leur intérêt pour le fluvial, et un plan de 12 M€ a été mis en place avec l'agglo, le conseil régional et l'Etat. La remise en navigation côté français devait intervenir en 2020 mais la covid a ralenti les opérations. « On veut décarboner nos transports, c'est très important », souligne Nathalie Renard, directrice marketing de l'industriel.

Horlogerie de précision

Le nucléaire est l'un des pôles d'activité de l'entreprise -alimenté notam- ment par le prolongement des centrales, mais pas le seul. JE est très présent dans la marine, civile comme militaire, et est leader mondial des systèmes de propulsion des bâtiments de guerre. Elle fournit d'ailleurs douze sous-marins de l'armée australienne. Elle œuvre aussi dans les systèmes de conversion et de production d'électricité, et fabrique des générateurs jusqu'à 100 Mw.Dernier pôle, le service et le rétrofit, la remise en état. Au total, l'usine de Jeumont compte 500 salariés, pour 100 M€ d'activité, auxquels s'ajoutent plusieurs filiales à Carquefou (44), Etupes (Doubs), une autre près de Fontainebleau et enfin une filiale de 80 personnes en Inde. Mais toute la R&D est localisée à Jeumont, insiste le président Brahim Ammar, fier de piloter une pépite industrielle française capable de chatouiller des géants mondiaux comme Siemens, ABB ou Alstom. « On ne peut pas concurrencer Siemens sur sa structure de groupe, mais on peut les concurrencer en R & D ». Autrement dit, l'entreprise est taillée pour l'horlogerie de précision, pas les grandes séries, et dispose à ce titre d'une haute réputation. Malgré tout, l'industriel est lui aussi fortement impacté par la crise actuelle. L'industrie pétrolière, un des clients du groupe, est entrée en forte récession. Jeumont a dû cesser sa production une semaine courant mars avant de se réorganiser en profondeur. Son président Brahim Ammar espérait revenir à 85% d'activité partielle à fin mai. « L'enjeu est que l'activité industrielle reparte de façon très massive. Je suis raisonnablement optimiste », anticipe-t-il.

Jeumont Electric appartient depuis 2007 au groupe Altawest, français et indépendant malgré son nom, et dont il constitue le noyau dur avec 600 personnes sur un peu moins de 1000. Il compte deux autres filiales, l'une spécialisée dans les chaudières biomasse, Leroux & Lotz, l'autre dans l'exploitation des centrales d'incinération, Inova.