Quand le monde se réenchante

Dans le Hainaut occidental d'hier, si proche mais en quête d'identité, les questions relatives aux dynamiques transfrontalières étaient insuffisamment prises en considération. Les échanges entre nos deux régions se construisaient sur base d'affinités individuelles même si la nécessité de collaborer se faisait de plus en plus pressante.

No man's land
Considéréecommeuneespècede"no man's land", notre région était entourée d'espaces toujours plus structurés, inscrits dans le grand mouvement transfrontalier, partenaires naturels mais dispersés de la construction de l'Eurométropole. Longtemps, d'ailleurs, nos voisins du Nord se sont interrogés : vers qui se tourner pour harmoniser le quotidien de nos régions mitoyennes ?
La Wallonie picarde, sous l'impulsion du Ministre-Président de la Région wallonne, Rudy De- motte, s'est trouvé une identité volontariste, trait d'union entre cette France si proche, où on parle aussi picard, et cette Wallonie, terre de luttes et d'histoire. Elle a rapidement tiré les leçons des expériences tentées ailleurs, instituant un Conseil de développement, savant mélange de ceux de Lille Métropole et de Kortrijk. Avec elle s'est dessiné un espace pertinent pour mener des politiques concrètes, organiser des rapports de bon voisinage. Les Wallons picards ont parlé d'une même voix et accéléré la dynamique transfrontalière. Aujourd'hui, dans cette petite portion d'Europe qui pèse plus d'un million et demi d'habitants, le destin s'écrit à deux ou trois plumes.

Une province jugée "vintage"
Face à cette structuration d'un territoire qui, aujourd'hui, joue les espaces pilotes de "communauté de communes ou de territoire", la Province de Hainaut qui, outre la Wallonie picarde, se compose de trois autres bassins de vie importants (Mons, La Louvière, Charleroi) pourrait paraître désuète. Vieille institution, héritage des Départements français, elle a précédé la création de la Belgique et de mauvaises langues disent qu'elle lui survivra.
Son histoire, c'est celle de régions socialement défavorisées qu'il a fallu sortir du marasme, de communes démunies face aux enjeux qui s'imposaient à elles. Avec le Département du Nord, la Province de Hainaut a scellé un partenariat fort et partage les craintes d'un avenir tour- menté.Jugéetrop"vintage", sacrifiée sur l'autel de la "simpli- fication institutionnelle", la Province suit le mouvement initié par le Gouvernement wallon qui la transformera en communautés de territoire, et celui, né en Wallonie picarde, d'une volonté de maîtriser le destin d'un bout de région. Outil au service du public, elle avait besoin de frontières pour mieux se connaître et enfin s'ouvrir aux autres.
Comme dit Régis Debray : "La frontière a cette vertu, qui n'est pas seulement esthétique, de charmer la route, en mettant un milieu plus ou moins anodin sous tension. Rien ne peut faire qu'il n'y ait du frisson au bout de l'allée, une île de Cythère à l'horizon de l'embarcadère. Là où le chemin creux s'enfonce dans le sous-bois, le monde se réenchante."