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Publié le 29/02/2024

Numéro #139

Edito

Paille de fer

L'affolement soudain qui prévaut au sommet de l'Etat sur nos finances publiques ces dernières semaines n'a aucun sens. Non que la situation ne soit pas gravissime, elle l'est. Mais tout le monde était au courant depuis fort longtemps. La liste des rapports alarmistes sur la perte de contrôle des dépenses publiques depuis au moins le rapport Pébereau en 2005 est tellement longue que ce réveil particulièrement tardif est irrecevable. N'importe quelle entreprise privée gérée avec tant de légèreté aurait été depuis longtemps mise en liquidation et on n'ose imaginer le sort de ses dirigeants !

Les arguments du Covid ou de la situation géopolitique seraient entendables si la même dérive était partagée par les autres pays européens. Ce n'est pas le cas. Depuis 2019, la hausse de dette par rapport au PIB a été de 13,1% en France, record d'Europe, contre 3,4% pour la zone euro. La réponse, dans l'extrême urgence, consiste une fois de plus à passer la paille de fer, et sans doute à déployer de nouvelles taxes. Mais pas à mener un travail de fond sur le périmètre de l'Etat, ses missions essentielles, ses effectifs, à prioriser sur le régalien. De plus les marges de manœuvre fiscales, malgré tout le talent inventif des cerveaux de Bercy, sont infimes, la France étant déjà championne européenne des prélèvements obligatoires : 48% du PIB l'an dernier. Comment aller au-delà sans mettre en péril le consentement à l'impôt ?

Cette situation consternante plombe l'avenir sans un plan de restructuration en profondeur de l'Etat qui pourrait entraîner sinon l'adhésion populaire, au moins une visibilité du redressement collectif. Elle entrave la parole de la France dans le monde, elle pénalise nos collectivités (qui rappelons-le, votent leurs budgets à l'équilibre), mais aussi nos entreprises et notre économie.

Il semble qu'on prenne enfin conscience que l'argent magique et le quoi qu'il en coûte sont un souvenir. Le pire n'est jamais sûr, mais l'Histoire sonne parfois à la porte avec une grande brutalité, par exemple au détour d'une envolée du taux des emprunts d'Etat. La remise en ordre de nos finances doit être une priorité nationale absolue, au détriment de tout autre sujet subalterne comme les discriminations capillaires ou autres bonus réparation textile. La maison brûle, ne regardons pas ailleurs.

 

 

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Publié le 29/02/2024

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