Abandon de poste : la démission présumée, le licenciement exclu ?

Bruno Platel, avocat associé Capstan Avocats. Bruno Platel, avocat associé Capstan Avocats.

L’article L1237-1-1 du code du travail issu de la loi du 21 décembre 2022 a institué un mécanisme innovant de présomption de démission du salarié qui a abandonné volontairement son poste de travail et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par l’employeur.

Malgré la médiatisation entourant ce dispositif, ce texte était inapplicable en l’état car la loi renvoyait sans raison évidente à un décret le soin de fixer la durée du délai imparti au salarié pour justifier de sa situation.

Attendu avec impatience ou anxiété selon les cas, le décret du 17 avril 2023 précise que le chef d’entreprise doit mettre en demeure le salarié de justifier de sa situation dans un délai qui ne saurait être inférieur à 15 jours.

L’objectif affiché par le législateur est de mettre un terme aux départs de salariés provoqués par des abandons de postes conduisant à des licenciements prononcés par l’employeur et donnant lieu à indemnisation chômage.

Si l’objectif est louable, on regrettera que cette réforme est loin de sécuriser l’entreprise, bien au contraire.

En effet, la loi comme le décret instaurent la possibilité pour le salarié de justifier de son absence et notamment pour des raisons médicales ou en raison d’une modification de son contrat de travail. Au-delà, cette démission présumée peut être contestée par le salarié devant le Conseil de Prud’hommes qui statue sur la nature de la rupture et les conséquences associées.

Ainsi, le Conseil de Prud’hommes pourra potentiellement requalifier cette rupture en licenciement avec pour conséquence automatique l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut de lettre de licenciement ! Dans ce contexte, l’entreprise pourrait être tentée de ne pas mobiliser ce texte en estimant que l’absence injustifiée du salarié malgré une mise en demeure ne caractérise pas forcément un abandon de poste « volontaire » et décider ainsi de mettre en œuvre une procédure de licenciement pour faute grave.

Si cette option n’est pas interdite par la loi, force est de constater que le Ministre du Travail semble l’exclure sur son site via un questions/réponses qui mentionne que « l’employeur n’aurait plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute » et ce sans aucun fondement légal !

En synthèse, on peut douter de la réduction massive des abandons de postes que subissent les entreprises. On peut en revanche redouter l’exposition de l’entreprise à un risque prud’homal accru.

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