Caroline Sonrier " Ma vie professionnelle, c'est ma vie "

Vous allez de spectacle en spectacle, évoluez dans un milieu totalement artistique... Restez-vous connectée au monde réel ?
Effectivement, ma vie professionnelle, c'est ma vie, mon bonheur. J'ai des amis très proches qui ne sont pas du tout dans mon domaine et qui m'ouvrent d'autres horizons. Mais c'est vrai que je suis de plain-pied dans mon univers.

Qu'est-ce qui, dans le monde d'aujourd'hui, vous exaspère ?
Ce qui m'attriste beaucoup, c'est que la politique est devenue portion congrue dans nos réflexions et nos choix de société. Elle s'est sclérosée dans des petits groupes de partis et leurs soutiens qui ont beaucoup de mal à s'ouvrir. Je suis désolée de voir cette coupure avec une population qui ne croit plus en la politique alors qu'on se réjouit de l'arrivée de la démocratie dans les pays arabes. Mais comment peut-il y avoir une démocratie sans politique ?

Qu'est ce qui au contraire vous enchante ?
C'est l'ouverture qu'on a connue depuis 30 ans sur les facilités d'échanges, de voyages. Dans les récits du Moyen-Age, du XVIIe ou XVIIIe siècles, c'est étonnant de voir à quel point les artistes pouvaient voyager déjà. Mais aujourd'hui, c'est tellement facile. Et je trouve pour ça la vie à Lille formidable parce qu'on est très près des Pays-Bas, de la Belgique, de l'Angleterre. C'est très enrichissant.

La littérature est très présente à l'Opéra, est-elle présente aussi dans votre vie ?
Cela fait partie de mes regrets de ne pas avoir suffisamment le temps de lire ! J'aime la langue, l'écriture en tant qu'art de la langue. Et je suis surtout attachée à la littérature plus ancienne, jusqu'au début du XXe. J'ai eu beaucoup de mal à me mettre aux écrivains d'aujourd'hui.

En dehors de la musique et de la danse, quel est l'art qui vous parle le plus ?
Bien avant le théâtre, ce sont les arts plastiques ou visuels. C'est un domaine extrêmement fort avec des courants de création et des échanges au niveau international passionnants. Je fréquente les galeries, les expositions d'art contemporain... Quand j'ai un rendez-vous à Paris, je repère toujours s'il y a quelque chose d'intéressant à voir à proximité. Ça fait partie des choses qui me nourrissent beaucoup.

Un endroit où vous vous rendez volontiers ?
Bruxelles est une ville que j'aime beaucoup, pour sa mixité, qu'on ressent visuellement. Tout n'y est pas aussi lisse qu'à Paris, ce qui crée une impression beaucoup plus vivante. Et j'aime beaucoup la mer du Nord, ces immenses plages belges aux tons de marron et de gris... En dix ans je n'ai pas eu beaucoup le temps de me promener dans la région, que je connaissais pas du tout – je suis originaire de Troyes. Et je suis plus souvent en voyage qu'à côté de chez moi.

Etes-vous du genre à vous mettre en colère ?
Non. Les artistes ont parfois du mal à contenir leur anxiété et quand ça éclate je reste très calme. Ça peut les perturber parfois. Certains sont allés très loin dans le débordement pour me faire réagir ! Il faudrait peut-être que je me force...

Si on vous déposait sur une île déserte, qu'emporteriez-vous ? C'est comme de me demander quel est mon compositeur favori, je suis incapable de répondre ! J'aime m'isoler, mais pas au point de me couper du monde. Un de mes amis à qui on posait la question avait répondu : un canot à moteur et une dizaine de jerricans d'essence pour pouvoir repartir... C'est ce que je répondrais. Je ne suis pas faite pour rester sur une île déserte.