Tchaomégot transforme les filtres de cigarettes en isolant

Julien Paque a développé un procédé innovant permettant de recycler les vieux mégots de cigarette en une matière première valorisable.

Fumer nuit à la santé... mais aussi à l’environnement! Dans l’Hexagone, 20 à 25 000 tonnes de mégots sont en effet jetés chaque année, chacun d’eux étant susceptible de polluer jusqu'à 500 litres d’eau. En fin de combustion, le filtre renferme environ 4 000 produits chimiques, tels que de l’ammoniac, de l’arsenic, du mercure ou du plomb. Un vrai fléau donc, pour lequel il n’existait aucune filière de recyclage.

C'est pendant le confinement chez ses parents, dans l’Oise, que Julien Paque, jeune diplômé de l’école des hautes études d'ingénieur (HEI) – Junia de Lille, crée sa start up TchaoMégot, dont la technologie vise à donner une seconde vie à ces déchets. Une fois les résidus de tabac retirés, le papier et la fibre pollués sont envoyés dans une machine où un solvant naturel, sans eau, permet de séparer les matières toxiques et (0,3% du poids), envoyées ensuite vers la filière d’élimination des déchets dangereux. Reste alors la fibre, sans odeur, qui peut être utilisée comme matériau d’isolation ou pour le rembourrage textile, de doudounes notamment. Protégé par six brevets français et internationaux, ce process, validé par l’Ineris, a valu à TchaoMégot d’être primé « Green tech innovation» par le ministère de la Transition écologique.

Une carte des utilisations

Pour collecter la matière première – le point névralgique de toute filière de recyclage – la start-up a choisi d’installer ses propres cendriers et points de collecte. Actuellement, la SNCF, plusieurs hôpitaux et quelque 200 communes, dont Lille, ont déjà opté pour ce système. « Nos cendriers brevetés sont conçus pour faciliter le vidage et éviter toute pollution. Nos agents assurent la collecte de ces bornes connectées permettant de dresser une carte des utilisations, ou de connaître le taux de remplissage», détaille Julien Paque.

Pour faire face à son développement, TchaoMégot, qui emploie déjà 17 salariés, s’est installé sur un site de 1 500 m2 à Bresles, près de Beauvais. De nouvelles machines, commandées en France moyennant 6 M€, devraient permettre à l’entreprise de traiter 300 tonnes de mégots par an – 100 fois plus qu’aujourd’hui – d’ici l’automne prochain. La start-up profite en effet du durcissement de la législation en matière de déchets, la loi AGEC de février 2020 imposant aux cigarettiers le principe du « pollueur-payeur » et l’obligation de mettre en place des filières de valorisation.

Selon ses prévisions, le chiffre d’affaires de la société, 250 K€ en 2022, devrait bondir à « 1,5 M€ d’ici la fin de l’année 2023 », selon le dirigeant qui prévoit de recruter une quinzaine de salariés cette année. La start up travaille actuellement à un tour de financement, dont les détails ne sont pas encore précisés, afin d’ouvrir d’autres unités de recyclage dans le pays et sans doute, de se tourner vers l’international