Guillaume Poitrinal (Fondation du Patrimoine) : "Notre patrimoine est notre identité"

Guillaume Poitrinal, président de la Fondation du Patrimoine. Crédit Jean-Baptiste Guiton Guillaume Poitrinal, président de la Fondation du Patrimoine. Crédit Jean-Baptiste Guiton

Quel est l’état général de notre patrimoine en Hauts-de-France ?

Il est semblable à celui des autres régions françaises, avec le meilleur et parfois le pire. On retrouve ici un patrimoine riche d’un grand nombre de monuments historiques, de maisons d’auteurs, d’églises et surtout d’un patrimoine industriel lié à l’histoire économique du territoire. En termes de préservation, les Hauts-de-France sont très actifs. La Fondation dispose de 37 bénévoles régionaux et 2 000 donateurs fidèles dont plus de 70 petites et grandes entreprises.

Observez-vous une prise de conscience au fil des ans quant à sa préservation ?

La prise de conscience, les gens l’ont toujours eue. En revanche, je dirais qu’ils ont pris conscience qu’il ne faut pas tout attendre de l’Etat. Auparavant, on pensait que la sauvegarde du patrimoine relevait en grande partie de la force publique. Aujourd’hui, on se rend compte que les actions doivent être menées par des associations et des fondations au plus près du terrain.

Je suis content d’assister à cela car notre patrimoine est notre identité, notre réalité physique dans un monde toujours plus digitalisé et virtuel. Charge à nous d’en prendre soin. C’est une mémoire que l’on transmet aux plus jeunes et un lien entre les générations. Le patrimoine est aussi fédérateur car chacun, quel que soit son niveau social, peut voir et apprécier le patrimoine dans sa commune. C’est un réel facteur d’unité dans un pays qui aime se diviser.

Mais qui dit restauration dit aussi financements lourds. Dans un contexte de disette budgétaire, peut-on imaginer une compensation par le privé ?

L’Etat n’intervient pas vraiment en faveur du patrimoine non protégé. C’est essentiellement le rôle des collectivités dont les mairies qui ont de plus en plus des budgets contraints. Les demandes de collectes auprès du grand public sont en forte hausse. C’est un phénomène récent dû à Internet, à la médiatisation, aux personnalités publiques comme Stéphane Berne avec lequel la Fondation organise le Loto du patrimoine.

Les ressources de la Fondation proviennent des collectes de dons, de legs ou de fonds publics comme les successions en déshérence ou les subventions de collectivités. Le tout représente 85 M€ en 2021, hors collecte pour N-D de Paris. Mais une partie significative de notre budget vient du mécénat d’entreprises. Dans les Hauts-de-France, on peut compter par exemple sur AG2R La Mondiale. Mais également sur Dassault, qui a soutenu la rénovation de la maison natale Charles de Gaulle ou celle de Jean de la Fontaine à Château-Thierry. TotalEnergies a aussi été mécène de la Fondation pour le chantier de l’ancienne Chartreuse de Neuville et pour la maison Charles de Gaulle. Nous avons des clubs de mécènes qui fédèrent les entreprises dans les régions. Les délégations organisent des visites et événements pour créer du lien, sensibiliser nos mécènes et en attirer de nouveaux. Ce sont des rencontres que nous encourageons car c’est pendant ces rendez-vous que les énergies convergent rapidement. Pour qu’une collecte réussisse, il faut des rencontres, du lien et de la confiance.

A lire aussi : Enquête - Rayonnement culturel : Notre patrimoine est-il en péril ?

Quel est l’impact des actions de la Fondation sur l’économie ?

Notre contribution financière se transforme en richesse et en emploi pour le territoire. Nous avons fait mesurer l’impact socio-économique des projets que nous soutenons. Cette étude a révélé qu’1€ apporté par la Fondation permet de générer 21€ de retombées économiques directes. L’étude a également montré que l’intervention de la Fondation stimule l’engagement citoyen et la mobilisation d’autres financeurs publics et privés. En matière de relance, il n’y a rien de mieux que de donner au patrimoine ! C’est bon pour les finances, les collectivités, les mairies et les impôts grâce aux avantages fiscaux qui en découlent... tout le monde y gagne !

La Covid a-t-elle freiné vos activités ?

En 2020, les chantiers de rénovation ont été arrêtés pendant plusieurs semaines mais nous avons su nous adapter. L’an dernier, l’activité a repris un rythme équivalent à celui de 2019. Et cette année on s’attend à un net progrès. Le contexte pandémique a été plus difficile pour les propriétaires privés de belles demeures ou de petits châteaux dont les budgets reposent en grande partie sur les visites. Mais de manière générale, je n’ai pas connaissance de drame particulier à cause du Covid. On est un pays qui sait réagir dans l’urgence. Recueilli par Julie Kiavué

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