80 M€ pour muer l'abbaye Saint-Vaast en phare culturel et patrimonial

La ville d'Arras a retenu la formule d'un partenariat public privé (PPP) face aux enjeux financiers énormes de la restauration de cet ensemble historique de 20 000 m2 en hypercentre.

 

Le compte à rebours est lancé. Quatre ans après le lancement du dernier projet de restauration de l’Abbaye Saint-Vaast d’Arras, les travaux doivent débuter au cours du deuxième semestre de cette année, avant une finalisation prévue dans le courant de 2024. Un calendrier étendu qui tient à la dimension du chantier : entièrement reconstruit à l’issue de la Première Guerre mondiale, le bâtiment de 20 000 m2 a pâti d’un manque d’entretien depuis les années 1990 – plusieurs projets ont avorté pour des raisons politiques et financières –, précipitant l’apparition de dégradations sérieuses au niveau des toitures, des façades et des menuiseries. « Au-delà du caractère devenu très urgent de la restauration, il était aussi important d’engager une réflexion visant à mieux faire rayonner l’Abbaye Saint-Vaast, dont la moitié des espaces sont inoccupés depuis le début du siècle », explique Emilie Bigorne, conseillère municipale déléguée à ce projet. L’autre moitié du lieu est occupée par une Médiathèque et le Musée des Beaux-Arts.

Création de 200 emplois directs et indirects
Face au coût du projet, l’idée d’un partenariat public-privé (PPP) a rapidement émergé. « Alors que le budget d’investissement de la ville s’établit à 70 M€ sur l’ensemble d’un mandat, celui du projet Saint-Vaast avoisine 80 M€ ! », pointe Emilie Bigorne. A l’issue d’études et de consultations, la municipalité a validé la piste consistant à implanter un hôtel prestigieux dans l’édifice. « D’un côté, la région est un haut lieu du tourisme de mémoire ; de l’autre, de grands groupes s’installent dans la communauté urbaine et recherchent des hôtels pour héberger leurs partenaires », poursuit l'élue. Naos Hôtel Groupe (Marriott) a été retenu au terme d’un appel à projets. Celui-ci participe à la restauration de l’Abbaye Saint-Vaast à hauteur de 37 M€. D’après l’équipe municipale, les bénéfices qu’en retirera la ville sont multiples. « Bien que l’Abbaye soit située au cœur d’Arras, elle ne jouit pas de la même attractivité que le Beffroi car il lui manquait une locomotive, analyse Emilie Bigorne. La présence d’un hôtel 4 étoiles va contribuer à faire vivre le lieu 24h sur 24, 7 jours sur 7, et pourrait générer, selon des évaluations, quelque 200 créations directes et indirectes d’emplois, ce qui est significatif pour une ville comme Arras. »

Si la mise en œuvre de ce PPP permet une restauration de plus grande ampleur du Monument Classé, la solution retenue ne fait toutefois pas l’unanimité. Plusieurs opposants, habitants d’Arras, se sont réunis dans un collectif, baptisé Les Amis de l'Abbaye Saint-Vaast. « Ce projet va se traduire par la privatisation d’une partie du lieu, alors que le bâtiment avait, après sa reconstruction après la Première Guerre Mondiale, une vocation publique », déplore Pierre Cusenier, un de ses membres. A cela s’ajoutent des critiques, notamment d’ordre architectural et portant sur certaines dépenses que prendra la ville à charge, par exemple concernant la pose d’une verrière. Des recours judiciaires ne sont pas à exclure.

 


 

AVEC SA NOUVELLE ADMINISTRATRICE, CHANTILLY ESPÈRE SORTIR DE LA CRISE

Sortira-t-il enfin de la tourmente ? Après le retrait de son mécène historique, l’Aga Khan, en 2020, et la fermeture liée à la pandémie, le domaine de Chantilly, géré par l'Institut de France (IdF), traverse une crise historique. Ses conséquences financières ont été pointées, en juillet dernier, dans un rapport sévère de la Cour des comptes. Y sont notamment dénoncés le déficit chronique du site – 2 M€ par an avant le confinement -, la nécessité d’investissement dans la rénovation de dépendances (estimés à 54 M€), et surtout l’absence « de modèle économique pérenne », selon la Cour. Une situation si grave qu'Eudes et Jean d’Orléans, descendants du Duc d’Aumale, ont engagé en décembre une procédure pour tenter de faire annuler le legs de leur ancêtre à l’Institut de France. La raison de leur colère : le projet de transformation du pavillon d’Enghien en hôtel de luxe. Le dossier, qui a déclenché une enquête du parquet financier, a depuis été abandonné.

Afin de remettre de l’ordre au château, l’Institut de France a nommé, en février, une nouvelle administratrice : Anne Miller. Formée sur les bancs de Normal Sup, de Sciences-po et de l’ENA, passée par les ministères de l’Économie, de la Culture, le consulat général de France à Boston, ou encore le cabinet du DG de Keolis Commuter Services aux Etats-Unis, elle aura la lourde charge « d’assurer le pilotage technique et financier, et de poursuivre le développement de la fréquentation du domaine », selon l’Institut de France. Le tout dans le respect des conditions, contraignantes, de l'héritage du duc d’Aumale.

Guillaume Roussange 

 

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