Jean-Marie Savalle, dresseur de licorne agricole

En quarante ans, l'ex enseignant chercheur de l'Institut supérieur d'agriculture de Beauvais a fait de son entreprise innovante une licorne européenne des logiciels agricoles. Il ambitionne d'atteindre les 5 000 salariés et les 500 M€ de chiffre d'affaires d'ici 2030.

 

A 70 ans, Jean-Marie Savalle n’a ni voilier, ni voiture puissante. La réussite de son entreprise, Isagri, le leader européen de l’édition de logiciels pour la comptabilité et le monde agricole, lui permettrait pourtant d’accéder à ces plaisirs bien mérités au terme d’une carrière réussie. Celui qui débuta enseignant au sein de la modeste école d’ingénieur agricole, l’ISAB, devenue UniLasalle Beauvais, n’a-t-il pas fait son entrée, en 2011, au classement des plus grandes fortunes françaises ? «Très franchement, je ne me vois pas prendre une retraite au soleil, ce n’est pas mon genre », sourit ce fils d’agriculteurs normands, à l’origine d’un des tout premiers spin-off français.

Soutien indéfectible de l’école

Sa vocation première devait le mener à reprendre l’exploitation familiale. La vie – et des désaccords avec son frère sur la gestion de la ferme – en ont décidé autrement. Et c’est un peu par hasard qu'à la fin des années 1970 il embrasse la carrière d’enseignant chercheur, s’intéressant aux possibilités offertes par la balbutiante informatique. «A l’époque, un ordinateur, énorme et peu puissant, coûtait l’équivalent de 30 K€ actuels. Il fallait être un peu fou pour croire que l’on parviendrait à imposer des logiciels de gestion dans toutes les exploitations », s'amuse-t-il. Juste retour de l’histoire, la révolution informatique française va recevoir une aide inespérée venue de l’autre côté de l’Atlantique. En 1981, IBM lance son micro-ordinateur ou PC, ouvrant ainsi l’ère de l’informatique domestique. Malgré la résistance - la franche opposition même - des comptables, Isgari va se développer dans les logiciels

techniques et économiques, permet- tant par exemple, la gestion des par- celles, des troupeaux, plus tard l'autoguidage ou l’accès à des services météo connectés. A une époque où le mot start-up n’existe pas encore, pas plus que les incubateurs ou autres fonds d’amorçage, Isagri peut compter sur le soutien indéfectible de l’école qui l’a vu naître. Majoritaire, durant dix ans, puis minoritaire pendant quinze, elle se retire du capital ans les années 1990. Depuis, sa croissance – 10 à 15% l'an– n’a jamais fléchi. Grâce aussi à la diversification.

Expertise comptable

En parallèle de ses produits historiques, qui pèsent encore 30% de son activité, Isagri s'est invité dans l’expertise comptable. « C’est sur ce segment que nous enregistrons depuis cinq ans nos plus belles progressions. Nous sommes le deuxième opérateur français sur ce marché », souligne le dirigeant. Dès 1997, le groupe s’est aussi doté d’un pôle médias numériques à travers le portail Terre-Net, qui l’a conduit, il y a dix ans, à racheter La France Agricole. Et Isagri a lancé il y a quelques années une quatrième branche dédiée à la création d’ERP pour les acteurs de l’agriculture, les coopératives par exemple. Au total, le groupe cumule 275 M€ de chiffre d’affaires et près de 2 500 salariés. Dont un millier à Beauvais, où Isagri bâtit actuellement  la cinquième extension de 9 000 m2 de son siège. « On a opéré un virage en créant un bâtiment en open space, afin de faciliter le déploiement de méthodes agiles de travail », détaille Jean-Marie Savalle. Fidèle à ses origines paysannes, ce dernier se veut prévoyant. Il a organisé sa succession en faisant entrer ses deux enfants dans l’entreprise: sa fille est aujourd’hui DRH, son fils dirige une filiale à l’international. «Je n’ai pas encore d’échéance quant à mon départ, mais je ne voulais pas que l’entreprise soit un jour vendue », dit le dirigeant, qui estime encore avoir du pain sur la planche. « Mon ambition est qu’en 2030, Isagri compte 5 000 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires d’au moins 500 M€, c’est-à-dire le n°1 mondial du numérique agricole », annonce Jean-Marie Savalle.

Ces articles peuvent également vous intéresser :

« En-dessous de 10 M€, je ne discute pas ! » explique le patron trentenaire qui envisage d'ouvrir son capital
Publié le 27/09/2021 Olivier Ducuing Portrait

Avosdim : Adrien Lombart veut changer ... de dimension

Depuis 2008, ce start upper béthunois vend des stores sur mesure sur le web. La success story s'est amplifiée avec la crise sanitaire et Adrien Lombart prévoit une grosse phase d'accélération. Au programme : déménagement, internationalisation, industrialisation, levée de fonds et créations d'emplois

Après avoir racheté Sofinor en 2017, il s’offre cette fois son rival lyonnais, Mapal
Publié le 26/04/2021 Olivier Ducuing Portrait

Guillaume Deleau, l'appétit de l'inox vient en mangeant

Alors que la crise sanitaire a secoué en profondeur les métiers de bouche, le gros de sa clientèle, le patron de Sofinor vient de conduire une reprise stratégique à Lyon. De quoi porter le groupe spécialiste des équipements inox à 28 M€ de ventes et viser les 50 M€.

Publié le 27/10/2019 Olivier Ducuing Portrait

Laurent Hubard pilote une spin-off du CNRS et du CEA pour développer une batterie sodium-ion, alternative au lithium chinois. Un projet de souveraineté économique, porteur de100 emplois, au cœur des Hauts-de-France. Electrisant.

Publié le 27/05/2019 Olivier Ducuing Portrait

Patrice Pennel veut transformer Reg en ETI industrielle

Le groupe dirigé par Patrice et Marie-Eve Pennel met la main sur Chaumeca et entend bien poursuivre. Il met le cap sur les 250 salariés à horizon trois ans. En parallèle, ce fervent défenseur de l'industrie est pressenti pour prendre la tête du Medef régional. Portrait

"Le mot impossible, il faut l'enlever de votre dictionnaire", a-t-il lancé aux salariés d'Ascoval
Publié le 28/01/2019 Guillaume Roussange Portrait

BART GRUYAERT Qui est le mystérieux repreneur d'Ascoval?

Bart Gruyaert vient de reprendre une des aciéries les plus modernes d’Europe, Ascoval, et ses 280 emplois. En trois ans, ce Flamand très discret a imposé aux forceps son groupe Altifort dans le paysage économique local. Une stratégie à marche forcée, très soutenue par les collectivités, qui interroge certains. Peu lui chaut. Il fonce.

Aurélie Tirloy, à gauche, et Mathilde Tanfin, à droite.
Publié le 26/04/2018 Olivier Ducuing Portrait

Aurélie Tirloy & Mathilde Tanfin - Métier : Influenceuses

Ils sont 30 000 à suivre quotidiennement les pérégrinations de ces deux blogueuses lilloises. Mat’ et Aurélie ont choisi de faire cause commune pour lancer une agence d'influence. Avec des débuts météoriques.

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France
Publié le 01/10/2016 Olivier Ducuing Portrait

José Derycke, président de Maxxing

Relation client : Un autodidacte nordiste à la conquête du monde

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France
Publié le 29/06/2016 Olivier Ducuing Portrait

Le Commissaire spécial Vasseur au chevet de l'’industrie régionale

Journaliste, député, ministre, élu consulaire, désormais commissaire spécial : Emmanuel Macron et Xavier Bertrand ont choisi une personnalité charismatique de l'économie régionale pour sortir la région de l'ornière industrielle.