Dans les coulisses de la raffinerie Daudruy

Après une première activité dans le commerce d'huile de foie de morue, le groupe familial Daudruy Van Cauwenberghe & Fils se lance dans le raffinage d'huile alimentaire dans les années 60. Trente ans plus tard, le marché de plus en plus tendu pousse l'entreprise dunkerquoise à se diversifier. Dans la production de biodiesel à partir de colza d'abord, puis de graisses animales et d'huile de friture usagée.

Aujourd'hui, Daudruy c'est huit entités (de la collecte au raffinage d'huile), environ 330 000 T d'huiles traité annuellement, avec plus de 160 salariés, pour 310 M€ de chiffre d'affaires consolidé. Plus que jamais actif sur le volet environnement, après la mise en route du premier nœud énergétique de France, Daudruy se prépare désormais à accueillir sa première unité de biométhanisation. Objectif : nourrir le réseau de gaz urbain à horizon 2021.

Photos : Sébastien Jarry

Arrivée de la matière

Daudruy reçoit les huiles brutes acheminées par camions ou par barges. Dans le premier cas, les poids lourds déchargent les huiles par pompes depuis des postes de déchargement directement au pied des cuves. Tandis que les barges accostent l'un des deux quais de chargement pour être connectées au site par flexibles sur les tuyauteries fixes de transfert.

Une équipe de "surveillants" montent à bord des barges pour s'assurer que la marchandise livrée est conforme à celle attendue. Ils mesurent la quantité, la température et prennent un échantillon pour analyse. Daudruy peut accueillir jusqu'à cinq barges par jour.

Stockage brut

Sur les quais, chaque type d’huile dispose d'un tuyau de transport dédié pour éviter les mélanges indésirables appelés contaminations croisées. En sortie de barges, la matière traverse les tuyaux, à quelques mètres du sol, pour s'écouler dans l'une des 300 cuves de stockage du site, dont la capacité varie entre 40 et 3 500 tonnes. Les plus petites cuves, réservées aux produits spécifiques, sont surveillées en local par les membres de l'équipe de dépotage afin d'éviter tout débordement, par exemple.

Depuis leur bureau, les opérateurs vérifient les niveaux, la température, la pression des pompes de remplissage et opèrent régulièrement des rondes pour vérifier l'état des cuves et le bon déroulement du remplissage.

Acheminement vers les cuves de production

Au labo de supervision, l'équipe ouvre de manière informatique les vannes des cuves de stockage, ainsi que la mise en route des pompes pour transférer l'huile brute dans des cuves tampons pour le raffinage. Pour ce dernier, Daudruy dispose de trois chaînes chimiques de raffinage et deux chaînes physiques. Ce qui permet de séparer les matières par catégories de produits et également de traiter sur des lignes spécifiques les produits bio, alimentaires et d’origine animale.

Raffinage

L'entreprise familiale procède son raffinage physique en trois étapes : la démucilagination (suppression des impuretés appelées mucilages), la décoloration (élimination des pigments colorés avec une terre activée à 90°C, récupérée par filtration pour être revalorisée en biométhanisation) et enfin la désodorisation afin d'éliminer l'odeur, le goût et les derniers contaminants de l'huile.

Le raffinage chimique comporte une quatrième étape qui intervient après la démucilagination : la neutralisation. Laquelle a pour but, grâce à de la soude caustique en solution aqueuse, de séparer en centrifugeuse les savons formés dans l'huile. Et ainsi éliminer ce que l'on appelle la pâte de neutralisation. Enfin, l'huile raffinée est stockée sous atmosphère inerte, avant d'être envoyée au client final. Un échantillon de l'huile raffinée est conservé en labo qualité. Ce qui permet de comparer la conformité de la matière avec celle arrivée chez le client, en cas de litige.

Focus. Nœud énergétique

La raffinerie familiale a mis en route fin 2019 son nœud énergétique, une première en France. Le projet a été mis sur pied en partenariat avec le CVE de la Communauté urbaine de Dunkerque et le réseau de chaleur urbain exploité par Energie Grand Littoral (groupe Dalkia). Alimenté jusqu'alors par la chaleur produite par le sidérurgiste ArcelorMittal. Le nœud énergétique consiste à relier les cinq chaudières de Daudruy à un bâtiment construit au cœur de son site. Son également raccordés le CVE et le réseau de chauffage urbain. Le CVE et Daudruy pourront fournir le réseau urbain avec leur vapeur excédentaire, en complément d'ArcelorMittal. Remplaçant ainsi les chaufferies au fuel lourd mises en route en cas de grand froid ou à l'arrêt technique du sidérurgiste. L'été, Daudruy récupèrera la vapeur du CVE pour faire fonctionner son process de production. Le nœud énergétique permet au réseau de bénéficier d'une énergie produite avec au moins 60 % d'énergie renouvelable. Il a nécessité l'extension du réseau de chaleur urbain sur près de 15 Km pour 15 M€ d'investissement.

Ch. Daudruy Van Cauwenberghe & Fils en bref

8 entités : la holding HDY, Nord Ester, Oléovia, Nord Transit, DVC, Ch. Daudruy, Synthogras, Oriacoop

2 sites de production

310 M€ de chiffre d'affaires consolidé en 2018 (25% à l'export)

166 salariés

330 000 T d’huiles traitées

Dominique Daudruy, Pdg :

« Notre volonté est de produire toujours mieux et non toujours plus »

Rappelez-nous l'histoire de votre entreprise...

Elle commence en 1829 avec deux familles. Les Van Cauwenberghe, armateurs de goélettes de pêche à la morue. La fille unique, Hélène, a épousé mon arrière-grand-père Charles Daudruy, issu d'une famille de maîtres des postes de Dunkerque. Il a racheté ce qui restait de la société de ses beaux-parents pour se lancer dans l'importation d'huile de foie de morue. L'entreprise s'est diversifiée en devenant importatrice et distributrice d'huile de poisson et d'huile végétale et animale jusqu'à la fin des années 1950. L'activité industrielle démarre avec quelques essais de raffinage courant 1955, année durant laquelle mon père à rejoint l'entreprise. Celle-ci s'est implantée sur son site actuel en 1960. L'usine de raffinage est mise en route six ans plus tard.

Quand avez-vous débuté votre tournant industriel ?

Le marché devenait compliqué à partir des années 90. On a réduit le personnel pour atteindre une centaine au début des années 2000. Le tournant a commencé avec l'activité biocarburant portée par Nord Ester, fondé en 2006 mise en route toute fin 2007. Dans la foulée, nous avons réalisé une croissance externe avec le rachat d'Oléovia pour la collecte d'huile de friture destinée à la fabrication de biocarburant et d'Oriacoop spécialisée dans la trituration des graines. C'est aussi à cette période qu'on a modernisé et automatisé l'outil industriel.

Comment vous vous positionnez sur votre marché ?

Aujourd'hui, nous sommes la seule entité en France qui se soit reconvertie d'une première génération de biodiesel basée sur les matières premières issues de récoltes au traitement de coproduits ou de déchets. Nous avons également étés les premiers à faire de la graisse animale et les plus gros à faire de l'huile de friture en France. Sur le biodiesel, on produit à peu près 150 000 tonnes sur un marché français d'environ 3,5 millions de tonnes, d'environ 15 millions de tonnes en Europe et de 20 millions de tonnes dans le monde. On est le deuxième acteur français en volume sur le biodiesel, derrière Diester du groupe Avril. Notre volonté est de produire toujours mieux, et non toujours plus pour occuper la place de leader.

Vos huiles sont pour certaines utilisées dans l'alimentation d'animaux domestiques, dans l’alimentation humaine et dans les cosmétiques. L'évolution des modes de consommation impacte-t-elle votre activité ?

Nous suivons les tendances. La crise de la vache folle nous a fait passer d'une activité orientée principalement autour des graisses animales aux graisses végétales. Le produit en plein essor à cette époque était l'huile de palme. Aujourd'hui, sur notre activité biodiesel on a fait volontairement le choix d'essayer d'arrêter les huiles issues de récoltes pour partir sur des biodéchets. Et sur les huiles végétales on suit un peu les modes. Si la population se tourne plus vers l'huile de copra, on suivra. Si elle se désintéresse de l'huile de palme, on ralentira l'activité de ce produit.

Quels sont vos projets futurs pour Daudruy ?

Sur la partie énergie, on prévoit la désacidification qui nous permettra de passer à une installation pour du biocarburant à 100% à base huile de friture, un nouveau parc de stockage complémentaire et une avancée dans la valorisation et l'utilisation de nos coproduits en interne, qui sont pour le moment traités en externe, pour faire du biogaz que l'on injectera sur le réseau de gaz urbain à horizon 2021. L'un des projets importants a été mis en route récemment, c'est notre nœud énergétique. Enfin, sur la branche alimentaire, nous avons installé une unité de micro raffinage dédiée aux produits cosmétiques et pharmaceutiques en petit volume (200 à 600 kg). Nous prévoyons également de proposer de nouveaux volumes de conditionnement d'huile à nos clients et le renouvellement d'une partie de notre parc de stockage avec la construction de nouvelles cuves. On est sur un plan d'investissement d'environ 15 M€ sur trois à quatre ans.

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