Cinq initiatives anti-crise de l'énergie

De nombreux acteurs n'ont pas attendu la crise actuelle pour chercher des solutions alternatives. Géothermie, gaz de mine, calories des eaux usées, biomasse ou bien sûr photovoltaïque, focus sur 5 initiatives originales.

1/ Les eaux usées : un gisement de calories considérables 

Tous les jours en France, ce sont 600 piscines olympiques d'eau chaude qui sont consommées en France ». Jean Sobocinski, dirigeant de Evolsys, à Bois Grenier, transforme ces eaux usées perdues chaque jour en calories récupérables. Une technologie plutôt récente et encore peu développée alors que le gisement est très important. Dans les logements, où l'eau de douche s'écoule en moyenne à 35°, un échangeur va pouvoir récupérer entre un tiers et trois quarts de cette chaleur. Le système est pour l'heure surtout installé sur des logements neufs. Mais il a vocation à équiper des gymnases, des piscines, des campings, mais aussi des industries. Jean Sobocinski vient de créer une filiale ad hoc, Green Heat, à partir de la même technique, mais sur un modèle d'économie de fonctionnalité.

La société implante à sa charge un équipement dans l'entreprise pour récupérer cette énergie et va la revendre à l'entreprise sur un contrat de plusieurs années, avec un tarif stable et attractif. « Pour une piscine moyenne, on va récupérer 120 MW/an, et réduire de 40% le besoin en énergie fossile », indique le dirigeant qui vise en particulier les parcs aquatiques. Une première installation dans une laverie de camions est en service depuis 2019 à Saint-Pol-sur-Mer avec 200 MW/h récupérés, mais GreenHeat entend passer la surmultipliée en 2023 pour toucher le secteur industriel où le potentiel en énergie de récupération est souvent élevé. « C'est un enjeu de volume. Il n'est pas rare dans une Pme de pouvoir récupérer 200 ou 300 MW/h par an », indique le dirigeant.

2 La biomasse : Duriez Agencement se chauffe avec ses déchets bois

Duriez Agencement est une belle entreprise familiale spécialisée dans l'aménagement haut de gamme. Elle emploie une centaine de salariés et travaille à 80% en région parisienne. A l'étroit dans son ancien site d'Avelin, elle a déménagé à Templeuve dans un nouveau bâtiment que les dirigeants ont voulu exemplaire. Principale nouveauté : une chaudière biomasse qui consomme les 350 tonnes annuelles de déchets dont l'entreprise devait se débarrasser jusqu'alors en payant (45 K€/an). Pour un investissement de 1,1 M€, l'équipement chauffe désormais gratuitement les ateliers, au lieu d'un coût qui serait de 180 K€ par an au prix actuel de l'énergie. La société a aussi installé 1 450 m2 de panneaux photovoltaïques en toiture (coût 400 K€), pour être le plus autonome possible. Avec une bonne surprise cet été, le taux d'ensoleillement élevé ayant permis de couvrir 28% des besoins électriques. Et pour ne pas perdre le bénéfice du soleil du week-end, trois bat- teries de stockage (à l'eau de mer, non au lithium) complètent l'installation, qui permet aussi la recharge de véhicules électriques. Pour faire bonne mesure, Duriez Agencement a mis une couche de résine blanche sur son toit (« coolroof ») qui évite l'air conditionné l'été en réduisant jusqu'à 10° la température en cas de surchauffe, par l'effet « albedo ». Autant d'initiatives qui doivent avoir un retour sur investissement sur dix ans, estime Nathanaël Duriez, membre de la famille, qui souligne l'intérêt commercial de cet engagement RSE (qui a d'ailleurs valu un prix au Réseau Alliances). Mais « sans subventions, on ne l'aurait pas fait », ajoute- t-il, évoquant en outre leur poids sur la trésorerie « car il faut tout avancer , parfois un an voire jusqu'à 18 mois ».

3 Photovoltaïque mobile : 25% d'autoconsommation pour le groupe Antoine 

Dans son budget prévisionnel 2022, le groupe Antoine, transporteur frigorifique de marchandises, prévoyait un coût de l’électricité multiplié par 3,5 sur un an. Pour y faire face, il vient de doter ses sites d’Athies, près d’Arras, et d’Ecouflant en Maine-et-Loire, de panneaux photovoltaïques modulaires et mobiles. Conçue en France par Phenae Solutions, cette solution doit lui assurer 25% d’auto-consommation électrique à Athies et 27% à Ecouflant. Intérêt : ces installations ne nécessitent pas de permis de construire. Phenae Solutions promet un délai de 2 mois entre la commande et l’installation.

 

4 Gaz de mine : Le scandale du grisou non exploité

Malgré l'urgence de la crise, Gazonor n'obtient pas ses autorisations d'exploiter de nouveaux sites de gaz de mine. Un comble pour cette énergie locale 100% déconnectée des cours mondiaux.

De plus de 200 ans d'exploitation minière, il nous reste encore quelques terrils en surface, une centaine de milliers de kilomètres de galeries souterraines... et des milliards de mètres cubes de grisou, ce gaz de sinistre mémoire quand il explosait, emportant la vie de nombreuses gueules noires. Mais un gaz disponible immédiatement, que la Française de l'Energie évalue à 200 milliards de mètres cubes sur l'Hexagone (Lorraine et Nord-Pas-de-Calais), à comparer à une consommation française annuelle de 40 milliards de mètres cubes. Cette Pme spécialisée dans l'énergie exploite cinq puits de décompression à Divion, Avion et Lourches, via sa filiale Gazonor (dans laquelle est entré le fonds Rev3 Capital). Ce gaz est notamment utilisé par l'agglomération de Béthune pour son réseau de chaleur qui alimente pas moins de 6 900 logements et une cinquantaine de bâtiments publics, sans se préoccuper des cours mondiaux.

Gazonor serait capable « en quelques mois » de démarrer sept nouveaux sites, pour lesquels les demandes ont été présentées à l'administration dès mars 2021. « Nous produisons déjà 50 millions de mètres cubes de méthane par an, nous pourrions multiplier entre 2,5 et 3 », indique Julien Moulin, président de Gazonor, qui déplore une absence de réponse des pouvoirs publics. « On a déjà préparé les commandes d'équi- pements, il n'y a plus que les raccordements à mettre en place ! » L'investissement est chiffré à 32 M€. En Lorraine, son groupe pourrait faire encore mieux, avec un potentiel de production jusqu'à 2 milliards de mètres cubes par an, soit 5% de la consommation française, cette fois à partir du minerai. Là encore, l'industriel attend une autorisation de concession demandée il y a ... trois ans. Outre la souveraineté énergétique, avec une énergie considérée comme verte par la taxonomie européenne, le fait d'exploiter le méthane permet d'éviter qu'il ne s'échappe naturellement dans l'atmosphère avec un effet de serre bien plus élevé que le CO2.

5 Géothermie : IMT NORD EUROPE puise ses calories sous terre 

Pas besoin d'être en Islande ni d'avoir de l'eau bouillante pour recourir à la géothermie. Le nouvel hôpital de Lens, le centre aquatique de Saint-Amand-les-Eaux utilisent déjà les calories contenues dans l'eau souterraine de la nappe phréatique pour couvrir leurs besoins de chauffage. C'est avec une eau entre 12 et 14 degrés seulement que l'école d'ingénieurs IMT Nord Europe chauffe son campus de Douai (11 000 m2) depuis exactement un an. Après une étude préalable, un forage test à 70 mètres de profondeur, la faisabilité a été validée et l'école a pu réaliser au final quatre forages, couplés à des pompes à chaleur, avec un coefficient de performance énergétique de 4 : pour un Kw/h injecté, le dispositif en produit 4. Aidé par l'Adème et la Région, le projet d'IMT Nord Europe a profité aussi du plan France Relance, qui a permis d'accélérer le projet de trois ans, raconte Grégory Brassart, secrétaire général de l'école. Un projet qui permet d'économiser 100 000 litres de fuel par an, et qui, pour être plus pertinent, s'est accompagné d'un chantier d'isolation des bâtiments, construits dans les années 70. Devant l'efficacité du système, l'école réfléchit aujourd'hui à le dupliquer dans son centre de recherche, à 2 kilomètres de là, qui représente cette fois 20 000 m2 bâtis. A suivre, donc ! 

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