Gros coup de froid sur l'immobilier

A l’angle de la rue Gustave Delory et de l’avenue Charles Saint-Venant à Lille, le Groupe Duval et l’ADIM déve- loppent la résidence Agora qui re- groupera des appartements du 2 au 5 pièces, sur 18 étages. A l’angle de la rue Gustave Delory et de l’avenue Charles Saint-Venant à Lille, le Groupe Duval et l’ADIM déve- loppent la résidence Agora qui re- groupera des appartements du 2 au 5 pièces, sur 18 étages.

Le marché de l’immobilier connaît un ralentissement généralisé, et les Hauts-de-France ne font pas exception. Depuis un an, les ventes ont dégringolé. Jean-Michel Sède, le président de la Fédération régionale des Promoteurs Immobiliers (FPI) Hauts-de-France, fait état d’une chute de 55% des transactions lors des neuf premiers mois de l’année dans la région, un chiffre englobant les logements individuels, les collectivités et les résdences gérées (étudiants et séniors).

Qu’est-ce qui explique cet affaissement ? « Les ventes sont très compliquées, car la demande est victime de la hausse brutale des taux, explique Jean-Philippe François, le directeur général de Sigla Neuf. Beaucoup de clients ont reporté leurs projets. » Ces dix-huit derniers mois, les taux des crédits immobiliers ont plus que triplé, passant de 0,9% début 2022 à près de 4% cet automne. Selon les observateurs, ils pourraient même atteindre le cap des 5% d’ici à la fin de l’année, avant (enfin ?) de se stabiliser.

Ce renchérissement du coût du crédit entraîne une baisse mécanique du pouvoir d’achat des acheteurs. A capacité d’endettement équivalente, on ne peut qu’acheter moins. « Il y a de plus en plus de désistements, remarque Jean-Michel Sède, car les choses peuvent beaucoup changer entre la situation initiale et le moment de l’acquisition. Le changement est parfois très rapide. »

« Depuis la mi-2022, nous n’avons plus du tout de primo-accédant », souligne Jacques-Philippe Lornier, le président d’Invest’Immo Hardelot. La classe moyenne est aussi fortement pénalisée par la diminution de sa capacité d’emprunt. Si les ventes forcées se poursuivent (pour cause de divorce, de décès ou de mutation), les personnes qui voulaient acheter plus grand ou arrêter la location ont décidé de reporter leurs projets. 

Autre complexité : les banques demandent des apports plus importants, qui peuvent approcher aujourd’hui le quart de la valeur d’un bien. De plus en plus de dossiers de demande de crédit sont retoqués. « Il y a beaucoup plus de refus de prêt qu’auparavant », remarque Nathalie Maréchalle (agence Le Lion Immobilier, à Lille). Selon Jean-Michel Sède, la production de crédit s’est effondrée de 40% depuis le début de l’année.

Autre phénomène qui paralyse le marché : les prix peinent à descendre. Les vendeurs ont tendance à fonder leurs estimations sur les transaction survenues un an plus tôt. Or, le contexte était très différent. Il était même exceptionnel à cause de taux d’intérêt extrêmement bas. Les prix ne sont plus en adéquation avec la réalité du marché, si bien que de nombreux produits peinent à trouver preneurs. « Le marché s’est inversé, souligne Nathalie Maréchalle. Les acquéreurs sont en attente de baisses de prix et certains vendeurs n’ont pas encore ap- préhendé cet ajustement. Les négociations sont parfois importantes. »

D’autant plus que de nouveaux sujets apparaissent, comme le DPE. « La facture énergétique est devenue un vrai sujet, continue Nathalie Maréchalle. Les appartements notés F ou G ont beaucoup de mal à trouver des acquéreurs.»

Exceptions 

Malgré ce tableau plus que morose, quelques zones d’espoir apparaissent ici ou là. « La demande pour du logement neuf est toujours là, note Jean-Philippe François. Les gens sont à la recherche de logements plus grands, plus confortables, plus modernes. Il y a toujours une demande en investissement locatif, notamment parce que la loi Pinel n’arrivera à terme que fin 2024. Il y a encore un peu de temps pour en profiter. » De même, le marché des résidences seniors ouvre de belles perspectives.

Cependant, les investisseurs sont eux aussi confrontés à la hausse des taux d’intérêt. « Les investisseurs ont du mal à se financer, explique Jean-Michel Sède (FIP). 80% des investisseurs possèdent un ou deux logements, mais ils n’ont pas la capacité de mettre beaucoup de fonds propres. Or, le taux d’endettement est désormais limité à 35% et s’applique à tout le monde, quel que soit le niveau de revenu. » Le marché de l’investissement représente 50% des transactions dans les Hauts-de-France.

Le marché des bureaux a, lui aussi, bien résisté jusqu’à présent, selon Jean-Michel Sède, mais les spécialistes du secteur commencent à rencontrer les mêmes problématiques que les particuliers. Le prix de l'argent augmente. Celui de la construction s’est également envolé (inflation, hausse de l’énergie). « La demande de rentabilité devient plus élevée. Il faudrait augmenter les loyers, mais ce n’est pas possible. On se retrouve dans une impasse. »

Le marché du littoral figure parmi les exceptions, gardant un peu d’activité « Des personnes âgées veulent vendre leur maison pour emménager dans des appartements », explique Jean-Philippe François (Sigla Neuf). La zone profite aussi d’acheteurs venant d’horizons plus lointains. « Le littoral attire une clientèle qui vient de Paris, de Lille et de la Belgique, ajoute Jacques-Philippe Lornier (Invest'Immo Hardelot). Il s’agit de clients qui ont de vrais projets de vie, pour des résidences secondaires, du petit locatif, pour en faire leur résidence principale plus tard. »

Si le travail des promoteurs se retrouve entravé par l’objectif de zéro artificialisation net imposé par le gouvernement, certains se tournent vers le développement de friches, qui apparaissent comme de nouvelles sources de développement.

« Les villes souffrent peut-être un peu moins, note Nathalie Maréchalle. Lille reste une plateforme incontournable, grâce à la présence de gare et de grandes écoles. Les gens ont toujours besoin de se loger, et l’envie d’être propriétaire demeure très forte. »

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