Dans les coulisses de Recytech

Eco121 vous emmène régulièrement à la découverte de nos belles entreprises régionales. Ce mois-ci, Recytech, à Fouquières-lez-Lens, grand acteur du recyclage du zinc.

 

 

 

 

 

 

Recytech est une usine discrète le long de la rocade minière, entre Harnes, Noyelles-sous-Lens et Fouquières-lez-Lens. L'entreprise est une PME d'une cinquantaine de personnes, mais filiale à parité de deux groupes importants, Recylex (ex Metaleurop) et le groupe Befesa. Son métier consiste, depuis 30 ans cette année, à transformer des poussières de zinc issues de la métallurgie en un nouveau concentré de zinc, qui sera transformé en lingot chez un autre industriel, pour des utilisations au spectre très large : on retrouve le zinc dans les procédés de galvanisation (contre la corrosion), la fabrication du laiton et du bronze, bien sûr aussi sur nos toitures, (6% du total seulement) et jusque dans les crèmes solaires et les pneus ! Plus largement, qui sait qu'un véhicule contient en moyenne 10 kilos de zinc ? Recytech est donc une "mine urbaine" qui va produire une matière première secondaire à partir de déchets via un cycle industriel très capitalistique, très exigeant en compétences humaines aussi, au cœur de l'économie circulaire.

Visite.

Les poussières de zinc arrivent par camions-citernes notamment des aciéries électriques, telles LME à Trith-Saint-Léger, Ascoval à Saint-Saulve ou Befesa Valera (Dunkerque). Une tonne d’acier produite chez eux génère en moyenne 15 à 20 kilos de poussières de zinc. Elles peuvent aussi venir de certaines piles broyées, dont le volume a augmenté de 25% en trois ans. Les poussières sont stockées dans différents silos selon leur nature. D'autres silos reçoivent le coke et la chaux (calcium). 40% des matières sont livrées en vrac.

 

Les différentes matières sont mélangées dans des mélangeurs afin de confectionner la charge du four. Cette phase amont est la plus cruciale, puisqu'elle déterminera la qualité et le rendement. Un mauvais mélange pourrait faire perdre au four sa réaction. "C'est de la cuisine fine à coup de cuillers de plusieurs tonnes", sourit le directeur. Un immense disque granulateur de 5 mètres va ensuite transformer cette poudre en pellets par l'adjonction d'eau : les poussières sont les ennemies du site.

 

Un convoyeur amène la charge au four, qui doit être alimenté en continu, pour avoir une production homogène. Il consomme 22 tonnes de matières toutes les heures. Seulement une dizaine de fours de ce type existent en Europe. Une salle de contrôle pilote toutes les opérations.

 

Ci-contre, les scories issues de la combustion.

La réaction gaz-solide dans le four Waelz produit une énergie considérable, avec des flashes d'énergie spectaculaires. La température au cœur est à 1300 degrés. La température de la paroi est analysée en continu. Lorsque des matières sont compactées ou que des boules se forment, le conducteur de four utilise un canon capable de tirer jusqu'à 20 mètres pour décolmater. On peut tirer 1000 voire 2000 cartouches pendant quelques heures. Le four s'étend sur 50 mètres de long, pour un diamètre de 3,6 mètres et tourne au rythme d'1,1 tour chaque minute. S'il est bien entretenu, il peut durer 60 à 70 ans. En 2012, les deux tiers du tube ont été changés.

  

L'air est soufflé à l'intérieur, de bas en haut : le flux va emporter le zinc vaporisé par la chaleur, tandis que les scories ressortent vers le bas, à 1000°, et tombent dans un bac d'eau. Le site en produit 75 000 T/an. Les gaz, quant à eux, ressortent à 800 ° avec le zinc et sont refroidis à 450° par pulvérisation d'eau en chambre de sédimentation. Les poussières arrivent dans un filtre à manche et tombent dans des silos. C'est par camions-citernes également que cette poussière à forte teneur en zinc (60%) est ensuite chargée pour expédition aux clients.

 

En 2018, Recytech a procédé à un gros investissement destiné à brûler les composés organiques volatils (COV) en fin de process : les gaz sont chauffés à 900° pendant deux secondes, permettant de casser les molécules de COV. Ce dispositif devait être autotherme (autosuffisant en énergie), il apparaît en fait excédentaire. L'usine songe aujourd'hui à procéder à un investissement pour récupérer la chaleur fatale et la transformer en électricité, qui permettrait d'assurer la consommation du site.

  

"On n'apprend pas à

conduire un four à l'école !"

 

Frédéric Heymans, DG de

Recytech

 

C'est surprenant de voir une entreprise qui a une taille de Pme avoir une activité d'industrie lourde...

Nous sommes une petite structure d'industrie de production, sans beaucoup de services supports. Ceux- ci sont amenés en partie par les actionnaires. Le commercial est opéré par Befesa par exemple. Du coup, on a une structure de management très proche, avec 48 personnes dont seulement trois cadres autour de moi.

Quels sont vos grands enjeux ?

Nous avons deux métiers, la prestation de traitement des poussières, et la vente du concentré de zinc. Nous avons trois grands enjeux à mon sens. Nous sommes leaders mais nous devons nous adapter aux fluctuations parfois brutales des cours. Le deuxième sujet porte sur les ressources humaines, car nos opérateurs ont une moyenne d'âge de 52 ans. Il y aura un départ massif des expertises sous cinq à dix ans, il faut nous y préparer, avec un très gros programme de formation. Car on n'apprend pas à conduire un four à l'école ! Pour le recrutement, on ne cherche pas un savoir-faire, mais un savoir-être. Pour être conducteur de four, il faut au moins cinq années d'ancienneté... Le troisième enjeu est l'investissement dans l'économie circulaire et la pérennité d'une industrie lourde dans une zone très urbanisée.

Concrètement, quelles pistes suivez-vous pour optimiser votre performance environnementale ?

Il s'agit d'abord de valoriser nos scories. Historiquement, elles sont valorisées en décharge, mais aujourd’hui on les intègre dans des blocs de béton, à raison de 30 000 tonnes par an. On peut aussi en faire des pavés auto-bloquants, je cherche d'ailleurs un partenaire industriel pour faire des essais. Dans quelques mois, nous procéderons aussi à un test de fusion des scories pour réaliser un ferro-alliage. Mais nous avons aussi lancé une étude pour récupérer notre chaleur fatale, qui pourrait couvrir toute notre consommation électrique. Il faudrait investir 6 M€. La décision n'est pas encore prise.

Le canal n'est pas loin, envisagez-vous le fluvial ?

On n'est pas bord à canal grand gabarit ici, le plus proche est à Annay-sous-Lens à 6 km. Près de 50 000 T de matières sont transportées par voie fluviale mais cela nécessite une rupture de charge en camion pour arriver à Recytech. En revanche nous sommes intégrés dans un projet avec la communauté d'agglo (la CALL) pour modifier l'échangeur de la rocade minière avec un accès direct. Car aujourd'hui tout notre trafic passe par Noyelles-sous-Lens et ce sont quand même 40 poids lourds par jour. De manière plus large, nous nous ouvrons de plus en plus, dans une logique de transparence et une volonté d'être acteur de notre territoire. 

Quel est votre degré d'autonomie vis-à-vis de vos actionnaires ?
En appartenant à deux actionnaires, vous n'appartenez à aucun des deux qui voudrait imposer sa stratégie d'entreprise. J'ai donc une certaine autonomie, mais bien sûr mes budgets doivent être présentés au conseil d'administration qui doit les approuver.

 

 

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