Olivier Remoissonnet, le patron qui a sauvé la brosse à dents française

Certaines carrières mériteraient d’être citées en exemple dans les écoles. Pas seulement les « voies royales» menant aux classes prépa et aux établissements prestigieux, mais aussi celles moins droites, plus sinueuses. A l’image de celle qu’a suivie Olivier Remoissonnet, le patron de Bioseptyl, le dernier fabricant de brosses à dents 100% françaises, implanté à Beauvais. Au collège Jules Vallès de Saint Leu d’Esserent, ce fils de coiffeurs ne figure pas - loin s’en faut - parmi les premiers de la classe. Comme il est déjà « passionné par ce qui vole », son père l’oriente vers un BEP « maintenance des tableaux de bord avion ». Il a trouvé sa voie. Il passe son bac pro, enchaîne sur un BTS automatismes industriels, avant d’intégrer en 1990 l’IT2I, l’école d’ingénieurs en production du CNAM. «Avec cette formation en alternance, la première du genre, le CNAM m’a permis de faire mes premières armes d’ingénieur dans l’industrie automobile », raconte le dirigeant de 52 ans aujourd’hui. Rigueur, organisation, méthodes, gestion de la pression... Dans ce secteur « ultra formateur », le futur patron acquiert les qualités qui s’avèreront précieuses lorsqu’il reprendra, en 2012, son usine de brosses à dents. Dans la vallée du Thérain, entre Grumesnil et Montataire, l’activité est traditionnelle. De grands noms, La Brosse et Dupont no- tamment, y sont nés, y ont prospéré avant de disparaître – scenario classique - victimes de la grande distribution et de la mondialisation. C’est à la fin de cette aventure qu’assiste, impuissant, Olivier Remoissonnet. En 1998, il a en effet rejoint la Société Générale de Brosserie, principal fournisseur français des pinceaux de vernis à ongles et brosses mascara, qui fermera neuf ans plus tard. Il intègre alors l'alsacien Samap, qui détient encore un site de production à Beauvais, propriétaire de la marque Bioseptyl, comme directeur logistique puis contrôleur de gestion. Le groupe, qui a tenté de  trouver une échappatoire à la crise en délocalisant, mord pourtant la poussière en 2011. Promu entre-temps directeur industriel, Olivier Remoissonnet est profondément marqué par cette période durant laquelle il voyait des ouvriers qualifiés « trier des pièces chinoises de mauvaise qualité ».

Lorsque le site est placé en redressement, ce père de deux grands enfants de 20 et 22 ans ne peut se résoudre à voir disparaître ce savoir-faire. Avec un associé, Olivier Voisin, il élabore un plan prévoyant la relance avec 24 des 53 salariés du site. Beaucoup la pensent vouée à l'échec tant la concurrence des pays low cost est rude. Mais Olivier Remoissonnet a son plan : il misera sur le Made In France, l’éco-citoyenneté, le e-commerce. «Il est vrai qu’à l’époque nous étions pionniers ! », s’amuse le directeur général. Le modèle économique est totalement repensé. Plus question de travailler avec la grande distribution. Conçues en matériaux recyclés, les brosses à dents seront vendues via les réseaux spécialisés, tels les magasins bio, et le Web y compris grâce à un système d’abonnement. La recette fonctionne. Dix ans après la reprise, Bioseptyl produit 8 millions d’unités avec 32 salariés pour 6 M€ de ventes. «Bioseptyl est sur le Net, notre site livrant 50 000 foyers en France. Nous sommes leaders sur le segment du bio avec 40% de parts de marché. Cette année, nous avons installé la première machine de brosse à dents neuve, la première depuis 20 ans ! », se réjouit le dirigeant, pour qui impossible n’est décidément pas français.